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au service de la Dette permet d’en prédire l’extinction à un moment donné.

Et il ne faut pas croire que tout soit sacrifié, chez nos voisins insulaires, à cette pensée dirigeante, dont l’influence se retrouve à chaque coin du budget, comme le leitmotiv d’un opéra de Wagner s’entend à chaque page de la partition. Une pareille politique porte en elle-même sa récompense : elle donne une telle élasticité aux budgets, que ceux-ci sont prêts à tous les efforts que commande le souci de la grandeur et de la défense nationales. C’est ainsi que, l’année dernière, un excédent budgétaire de 1 765 000 livres avait été employé à des dépenses navales, qu’en cette année même un surplus de 1 600 000 livres, 40 millions de francs, a été consacré à des constructions de vaisseaux, à des augmentations de garnisons coloniales, à des réformes postales et à des dépenses d’instruction publique en Écosse et en Irlande. C’est ainsi que M. Goschen vient encore de soumettre au Parlement un programme qui prévoit un nouvel et considérable accroissement de la flotte. C’est ainsi que les budgets de l’armée et de la marine anglaises dépassent un milliard de francs, alors que les crédits ouverts à cet effet pour l’année 1897-98 à l’empire d’Allemagne sont de 820, et les nôtres de 914 millions de francs.

Nous ne contemplons jamais pour notre part, sans une admiration mêlée d’envie, cette œuvre laborieuse et patiente des hommes d’Etat qui se sont assis, à tour de rôle, sur le sac de Lainé de Westminster. Nous avons rêvé et nous rêvons encore, pour notre pays, des ministres et des parlemens qui s’imposent un programme aussi sévère et qui, chose plus difficile encore, le lèguent à des successeurs décidés à en continuer l’application. Nous souhaitons que l’avenir remette les destinées de la patrie entre les mains de premiers ministres qui soient, eux aussi, des premiers lords de la Trésorerie et des chanceliers de l’Echiquier, c’est-à-dire qui placent les questions financières au rang qu’elles méritent d’occuper dans l’ordre politique. Notre enthousiasme et notre générosité native nous portent à voter, aux heures d’entraînement, bien des dépenses qu’un patriotisme plus réfléchi nous eût conduits à refuser. Si la différence de constitution politique ne nous permet pas d’espérer que nos parlemens soient aussi sages qu’un ministre des Finances de l’autocrate de toutes les Russies, assez fort pour s’opposer à des augmentations de dépenses militaires, il nous sera du moins permis d’invoquer en terminant l’exemple d’un pays