Le rôle d’un diplomate doit-il s’apprécier à la valeur des services rendus et à l’importance des résultats obtenus ? on voit alors tout de suite que le rôle de Voltaire se réduit ici à peu de chose, et que ce peu de chose se réduit à rien. Mais si l’on doit tenir compte des intentions, même malheureuses, de la vivacité des désirs, de la répétition des tentatives, de la persévérance des efforts, on avouera que peu de diplomates, parmi ceux mêmes de la carrière, ont donné plus que Voltaire les signes d’une impérieuse vocation. Lorsqu’il lui est arrivé, au cours de ses ouvrages, de parler des négociations où il s’entremit, il l’a fait toujours avec un air de complet détachement : c’est, à l’entendre, qu’on l’avait sollicité et qu’il n’a pas voulu refuser, c’est qu’on avait besoin de lui et qu’il aime à obliger les gens : il n’avait d’ailleurs aucune illusion sur l’issue des missions qui lui étaient confiées ; il y cherchait seulement un plaisir de philosophe, et s’amusait à voir de près la lutte des vanités, le choc des intérêts et toutes les petites misères de la vie des grands. Mais il ne faut pas toujours accepter aveuglément les affirmations de Voltaire. Il se trouve que cette fois elles sont au rebours de la vérité. En fait, c’est de lui, Voltaire, que sont venues presque toutes les propositions : il a offert des services qu’on ne songeait pas à lui demander ; il a, de ce chef, sollicité les princes et leur gouvernement, les ministres, les cardinaux, les maîtresses royales. Ni les échecs ne l’ont rebuté, ni les humiliations ne lui ont coûté ; mais il n’a cessé de revenir à la charge, alléguant sa bonne volonté et un
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REVUE LITTÉRAIRE
LA CARRIÈRE DIPLOMATIQUE DE VOLTAIRE