Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/495

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fréquenterait moins qu’auparavant le rez-de-chaussée, mais il y retournerait... bien sûr qu’il y retournerait! Et que personne ne s’avisât de lui dernander « pourquoi! » Qu’aucune mauvaise langue ne songeât à mettre en doute son honorabilité, sa loyauté et la noblesse de ses desseins!... Il serait capable de tout!... Lui, consommer un pareil attentat contre l’honneur et le repos d’une famille honorable!...

Si l’on avait placé un christ devant lui pour le faire jurer quen tout ce qu’il affirmait il n’y avait pas un atome de mensonge, il l’aurait juré avec enthousiasme. Et il aurait juré la vérité. Et néanmoins, en fouillant dans son cœur, combien il eût vite trouvé caché, tout au fond, quelque chose qui lui eût démontré l’inconsciente fausseté de son serment! Et ce qui est certain, c’est que la première fois qu’il retourna au rez-de-chaussée, après s’être livré à ces méditations, bien que résolu à combattre héroïquement toute mauvaise pensée que le démon pourrait lui suggérer, si ses yeux se détournaient très souvent de Sotileza, en revanche, quand ils la regardaient, comme ils la voyaient maintenant d’une manière bien différente!

Ainsi le temps continua à passer, Sotileza arrivant à la plénitude de son développement, et André devenant un garçon accompli, robuste et gaillard, adroit, vigoureux, énergique sur mer où il passait toutes ses heures de loisir, tantôt voltigeant avec son Zéphire (c’était le nom de son bateau) aidé de Cole et de Mucrgo, qui d’ordinaire en prenaient soin, tantôt pochant au large dans la barque de Mcchelin, dont il payait scrupuleusement le fret, au grand regret du vieux marin, qui se faisait un cas de conscience de recevoir cet argent de telles mains. 11 jouissait d’un grand prestige dans les deux Chapitres; dans les deux, on écoulait forl ses opinions ; et le meilleur patron de barque lui eût cédé avec plaisir le gouvernail dans les momens critiques.

Malgré toutes ces choses de la mer qui le passionnaient, André supportait avec beaucoup de facilité tout le poids de ses obligations au bureau, et celui de ses devoirs d’amitié et courtoisie, aux côtés de son camarade Tolin. Pour l’instant Louisa était devenue ce qu’elle promettait d’être : une demoiselle élégante, très ha- bituée et très scrupuleusement attachée au cérémonial de son monde. A regarder l’éclat de ses grands yeux noiis, et le dessin de ses lèvres humides cntr’ouvertes sur ses dents blanches et tines, on oubliait aisément la fadeur de sa conversation. Elle s’ac(]uit-