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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/535

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de croisement ethnique ? Non. Les Normands, d’abord, n’étaient pas de race si différente. De plus ils étaient peu nombreux. Leur action fut donc surtout politique et sociale. Les Normands se partagèrent leur conquête ; Guillaume distribua terres, maisons, abbayes ; les lois les plus dures mnintinrent la soumission. Les Normands avaient un esprit dominateur et organisateur ; ils n’étaient pas hommes à laisser se relâcher les liens de la subordination. En outre, pour leur résister et disputer ses droits, il fallait s’unir : l’esprit d’association pénétra donc peu à peu dans la nation anglaise. Ainsi se dessina la différence entre l’Angleterre et l’ancienne Allemagne. Là, une forte organisation franco-normande empêcha l’individualisme de rester à l’état d’isolement, d’éparpillement, de dissociation ; ici, l’unité fut tellement lente à se faire, qu’elle ne s’est faite que sous nos yeux et en partie par nous. Les Normands, d’esprit vif et clair, positif autant qu’aventureux, ne reculant pas devant la pertidie quand il s’agissait de leurs intérêts, achevèrent d’imposer aux Anglo-Saxons ces préoccupations pratiques et utilitaires que favorisait déjà, comme nous l’avons vu, leur situation géographique.


II


Toutes les influences que nous avons précédemment énumérées ont eu pour résultat final le caractère anglais, tel qu’il nous apparaît aujourd’hui en son originalité propre. La sensibilité, chez l’Anglais comme chez l’Allemand, est moins fine et plus renfermée en soi que chez le Français ou l’Italien. C’est le résultat de ce tempérament flegmatique dont nous avons vu la naturelle harmonie avec le climat de la Grande-Bretagne. Les contrées froides et humides ne laissent guère subsister, par sélection, que des natures fortes et rudes, peu sensibles à l’action du dehors. Leur système nerveux répond aux choses par des vibrations moins promptes, moins délicates, et moins variées. Comment les instrumens de la perception pourraient-ils s’affiner sous un ciel sombre et monotone, où l’organisme est obligé d’être toujours sur la défensive, prêt à repousser plutôt qu’à laisser entrer des influences hostiles ? Les sens perceplifs demeurent donc moins délicats et moins riches en nuances. Seuls les sens vitaux acquièrent de la force ; le plaisir de manger ou de boire, celui d’exercer ses muscles et d’agir compensent le manque d’impressions plus désintéressées,