formes humaines, et le comique s’introduit davantage dans les gestes et les aventures des héros. Chez Breughel le Drôle au XVIe siècle, la transformation se prépare. Chez Callot, au XVIIe, elle s’opère. Chez Hogarth, au XVIIIe, elle est opérée. La caricature ne détruit plus les proportions fondamentales du corps. Elle le tourne seulement en des postures comiques. Elle ne construit plus un visage monstrueux ; elle lui fait seulement subir de monstrueuses-expressions. C’est l’époque de la grimace, qui déforme les traits, mais pour un instant. On sent qu’au repos les traits sont à peu près réguliers et les membres quasi bien faits. Les figures tirent encore la langue, mais on calcule que la langue pourra rentrer dans la bouche d’où elle est inconsidérément sortie. Le fantastique risible et le surnaturel caricatural des Tentations de saint Antoine s’en va rejoindre, dans l’ombre, les incubes, les succubes et les gastrolâtres. Le diable est en pleine décadence : on regarde de plus près l’homme. Le masque antique, si figé autrefois, déjà déridé par le moyen âge, boursouflé par la Renaissance, devient de plus en plus sensible à la moindre émotion, expressif du plus fugitif sentiment. Nous touchons à l’époque de la Physiognomonie de Lavater. Von Göz et Chodowiecki l’illustrent ou s’en inspirent à la fin du XVIIIe siècle. Au commencement du XIXe, Boilly tire et pétrit en tous sens les muscles faciaux. Ses figures sont de caoutchouc. C’est la déformation encore, mais pétillante d’intelligence, de malice, d’intention. L’époque du grotesque est passée.
Avec les grands maîtres de la caricature moderne, Daumier et Gavarni, celle du caractérisme est venue. La « charge » a aujourd’hui quasi disparu. Elle fut triomphante encore avec Dantan et voulut l’être avec Gill. Sous l’Empire, à l’époque où l’autorisation du caricaturé au caricaturiste était nécessaire, on se moqua beaucoup de la réponse de Lamartine à un journal qui, le voulant « charger, » sollicitait son consentement. Au lieu d’écrire, comme Gustave Aymard : « Tu veux ma tête, Hanneton, prends-la, ne la scalpe pas ; » ou comme Strauss : « Je vous autorise à faire ma charge… en trois temps, » — il répondit que défigurer l’homme, c’était « insulter à la Divinité » qui l’avait fait à son image, mais que d’ailleurs on fît de lui ce qu’on voudrait, sa physionomie « appartenant au ruisseau comme au soleil. » — On fit, de cette réponse solennelle, des gorges chaudes. Les années ont passé. Les « charges » d’alors sont les plus piteuses tératologies qu’on puisse imaginer. Le mot de Lamartine demeure — et, en