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âgés aujourd’hui d’une cinquantaine d’années. L’un d’eux, Batyr-beg, fut le pilote et l’auxiliaire de l’expédition de Bonvalot, qui en a fait le portrait. Le second, Katchmi-beg, résidait dans des parages un peu plus éloignés de mon itinéraire : je ne le vis pas. Le troisième, Makhmoud-beg, est celui que je rencontre à Gouldcha. Le quatrième, Abdoullah, est mort récemment sur les frontières d’Afghanistan : les uns disent que ce fut dans un combat contre les Afghans ; selon d’autres, il s’était au contraire réfugié chez ceux-ci après avoir refusé de se soumettre à l’autorité des nouveaux conquérans, circonstance presque aussi avantageuse pour eux que s’il était resté à leur service. Le fils de celui-ci, Mirza-Païas, était à Och au moment où j’en partis : il y était venu à la suite de Groumbtchevsky. Déjà, plusieurs années auparavant, il avait contribué à l’organisation du convoi de MM. Bonvalot, Capus et Pépin, à qui son oncle Batyr-Beg avait servi personnellement de guide, depuis la plaine du Ferganah jusqu’à la vallée d’Alaï.

Un autre petit-fils d’Alim-beg, Zounoun-beg, issu d’un frère aîné des précédens, mort depuis longtemps, était, comme je l’ai dit, arrivé à Och avec Groumbtchevsky, à qui il s’était joint pendant les derniers jours de l’expédition. Le colonel Deibner et Groumbtchevsky m’avaient vanté ses mérites et sa connaissance du pays, et il avait été convenu qu’en retournant dans sa tribu il me servirait de guide. Il faut croire que Zounoun-beg n’a pas fait diligence, ou bien que ses chevaux n’étaient pas en état de rendre aux miens une étape sur quatre, car je l’attendis vainement le second jour ainsi que les jours suivans : il ne me rejoignit pas comme nous en étions convenus.

A priori, j’avais conçu bonne opinion de ce Mirza-Païas, qui n’était certes pas le premier venu. Cette opinion était fondée sur un simple trait.

Durant mon premier séjour en Turkestan, peu de temps avant que j’entreprisse la traversée des montagnes qui séparent la Transoxiane de la Kachgarie, il vint un jour trouver un homme d’État russe, avec lequel j’eus, à la même époque, d’excellentes relations, que j’ai toujours conservées.

— Je voudrais un permis pour aller à Kachgar, si le gouvernement impérial veut bien m’y autoriser, demanda-t-il simplement.

— Très bien. Tu n’as qu’à demander un passeport au colonel Deibner, à Och. Il t’en délivrera un sans aucune difficulté.