reconstruire les fortifications de Dunkerque ; d’après les traités du 30 mars 1814 et du 19 avril 1839, Anvers ne devait jamais être transformé en port de guerre ; le traité de Paris (30 mars 1856) empêchait la Russie d’entretenir une flotte de guerre sur la Mer-Noire ; le traité de Berlin (13 juillet 1878) défend aussi d’entretenir des navires de guerre sur le Danube en aval des Portes de Fer, enjoint de raser toutes les forteresses de la Bulgarie avec prohibition de les reconstruire, interdit au Monténégro d’avoir une flotte de guerre et un pavillon de marine militaire, etc. Les nations peuvent assurément généraliser par un accord unanime ce régime de restrictions à leur propre souveraineté. Ce serait inaugurer sans doute un nouvel ordre de choses. Mais il dépend, après tout, du genre humain de confier, si bon lui semble, une hégémonie plus forte et plus efficace à la communauté sur chacun de ses groupes. Une pareille révolution ne heurte au demeurant ni l’instinct de sociabilité ni l’instinct de perfectibilité qui sont les fondemens du droit international public. Nous ne saurions méconnaître qu’il est difficile d’arriver sur ce point à l’entente universelle, mais sans nier qu’on puisse obtenir en principe, par un grand effort, cet accord de toutes les volontés.
Ce que j’aperçois moins clairement, c’est le moyen de perpétuer et d’assurer les suites de l’accord. La conférence a, je le suppose, abouti. Chaque souveraineté vient de consentir à se limiter elle-même, et le désarmement s’est opéré plus ou moins facilement sur les bases posées par l’unanimité des puissances. Personne ne peut se figurer que le vote d’un congrès va déterminer une halte dans la marche du monde.
Les plus belles et les plus sages résolutions ne figeront pas le sang des nations dans leurs veines. Aucun acte diplomatique n’arrêtera le progrès des unes, la décadence des autres. Citons un seul exemple. Le traité de Paris (30 mars 1856) avait reconnu solennellement les droits du sultan et fait entrer l’empire ottoman dans le concert européen ; bien plus, l’Angleterre, l’Autriche et la France s’étaient engagées solidairement, quinze jours après, à garantir l’intégrité du même empire. Cela n’empêcha pas le chancelier Gortchakoff de notifier vingt ans plus tard à l’Europe que « l’intégrité de la Turquie devait être subordonnée aux garanties réclamées par l’humanité, les sentimens de l’Europe chrétienne et le repos général, » ni l’Europe d’agrandir et de fortifier par le traité de Berlin le Monténégro aux dépens de la Porte, d’ériger