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la Serbie en principauté indépendante, de reconnaître dès 1877 l’indépendance de la Roumanie, de fonder en 1878 une Bulgarie nouvelle autonome, quoique tributaire, d’une étendue de 64 390 kilomètres carrés, ni le prince Alexandre de proclamer en 1885 l’union de la Bulgarie et de la Roumélie. « Les stipulations des traités sont dépassées par les événemens, » avait écrit M. de Beust. Ce phénomène se reproduit sans cesse. Chaque jour, chaque heure, apportent un changement dans les rapports des peuples. Il est à prévoir que, très peu de temps après la convention générale de désarmement, les événemens modifieront la situation intérieure ou extérieure de quelqu’une des puissances signataires. Guerre civile, mouvement insurrectionnel dans une colonie, sécession, nécessité de venger un affront sanglant ou de parer à quelque menace d’un insolent et belliqueux voisin. Que fera cette puissance ? Le plus indestructible de ses droits est, à coup sûr, le droit à l’existence. Elle est liée par sa signature ; cependant, pour vivre, il faut armer et, qui plus est, armer vite. La voici donc lancée dans une impasse.

Que faire ? Il faut d’abord, de toute évidence, empêcher que l’État ne sorte ex abrupto de la légalité nouvelle et ne mette en pièces, par la force des choses, l’œuvre du congrès. Celui-ci devra donc prévoir lui-même qu’il y aura lieu, dans certains cas, de suspendre les restrictions apportées à l’exercice des souverainetés. L’Etat menacé pourra, sous l’empire d’une force majeure, solliciter l’autorisation d’augmenter son effectif terrestre ou naval.

A qui devra-t-il la demander ? Sans aucun doute à l’ensemble des peuples qui composent la communauté internationale. Cependant il est impossible de reconstituer la conférence en toute occasion, à l’improviste, en conviant toutes les puissances signataires à nommer de nouveaux représentans pour délibérer sur de semblables requêtes. On est donc amené, ce semble, à supposer que les puissances établiraient, la conférence une fois dissoute, une sorte de commission de permanence, à laquelle elles délégueraient le pouvoir d’accorder les dispenses et de lever les prohibitions. Tel était dans le grand dessein, réel ou prétendu, de Henri IV, le conseil général de la république chrétienne composé de soixante plénipotentiaires. Telle serait encore, dans le plan deux fois exposé par le professeur écossais Lorimer (1871 et 1877) la Diète au petit pied, divisée en deux Chambres, que