monoatomiques, c’est-à-dire qui existent à l’état d’atomes libres, purement altruistes, n’éprouvant pas d’attraction pour eux-mêmes mais seulement pour les atomes étrangers ; tel est le cas pour le mercure, le cadmium et le zinc ; la particule chimique, l’atome, se confond alors avec la particule physique, c’est-à-dire la molécule.
Quelle est l’atomicité de l’argon ? Si, conformément à la supposition de W. Crookes, il est diatomique, ainsi que la plupart des autres gaz simples, nous nous formerons de sa prétendue inertie chimique la même image que pour l’azote, et ce sera une simple image et non une explication rigoureuse. Nous dirons que les atomes d’argon sont maintenus couplés en molécules-haltère, par une attraction tellement énergique que leur affinité pour tout atome étranger est, en comparaison, quasiment nulle. Si, au contraire, l’argon est monoatomique, comme le mercure, cette sorte d’explication ne vaut pas. Il en faudra trouver une autre.
En fait, la question est pendante, et, pour parler comme M. Goossens, « les docteurs discutent encore sur l’atomicité de l’argon. » Les uns, avec M. Ramsay, inclinent pour la monoatomicité ; d’autres avec MM. Berthelot et Mendéléef ne répugnent pas à la supposition d’une molécule polyatomique ; d’autres, enfin, avec M. Bevan, croient le gaz diatomique, mais dissocié en grande partie. Dans cette manière de voir, il arriverait avec l’argon, à nos températures ordinaires, — qui sont pour lui des températures élevées puisqu’elles dépassent de plus de 200 degrés celle où il peut exister à l’état solide, — ce qui se produit pour l’iode fortement chauffé. La vapeur d’iode constituée, aux environs de 300°, de molécules à deux atomes, est, au-delà de 1 500°, composée d’atomes libres ; dans l’intervalle il y a coexistence et mélange variable des deux espèces. Il en serait de même pour l’argon.
Si l’on essaye de soumettre le litige à l’épreuve de l’expérience, on constate que les méthodes physiques concluent ou tout au moins inclinent en faveur de l’argon monoatomique, tandis que les méthodes chimiques déposent en faveur de la diatomicité. On voit ici la théorie cinétique des gaz, due à D. Bernouilli et Clausius, entrer en conflit avec une théorie non moins générale de la chimie, celle de l’arrangement périodique des élémens, due à Chancourtois, J. Newlands, Mendéléef et Lothar Meyer. La rencontre est féconde en enseignemens.