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La question de l’atomicité n’est point ici la seule à propos de laquelle les méthodes de la physique et celles de la chimie, aient eu l’occasion de se mesurer. Il s’est élevé encore un autre débat. Il a fallu décider, avant toute autre chose, si le nouveau gaz était un corps simple, unique, ou, au contraire, un mélange de plusieurs corps simples. La solution de ce problème de l’unicité ou de la complexité de l’argon a été demandée à la méthode spectroscopique et à l’étude des changemens d’état. Et, comme, d’autre part la découverte des nouveaux gaz, le krypton, le métargon et le néon, a définitivement tranché le débat, le jugement rendu peut servir de contrôle à la consultation. Les deux méthodes physiques se sont trouvées soumises à une épreuve qui leur a servi de pierre de touche et qui a permis d’apprécier la valeur, la limite et la portée de leurs indications.

On comprend, d’après cela, que les discussions relatives à l’atomicité et à l’unicité de l’argon forment les chapitres les plus importans de l’histoire de ce corps ; leur intérêt dépasse celui d’une monographie particulière et participe de celui qui s’attache aux choses de la science générale.

Autour de ces deux études principales vient s’en grouper une série d’autres, destinées à fixer les constantes ou paramètres caractéristiques de l’argon, sa densité, sa solubilité. C’est cet ensemble qui constitue l’œuvre éminente de lord Rayleigh et de W. Ramsay et du petit nombre de collaborateurs qualifiés, tels que Crookes et Olszewski, dont ils ont utilisé l’assistance. Il nous reste à en faire ici un examen sommaire.


V

Densité et poids moléculaire. — La première préoccupation des savans anglais fut de déterminer la densité de l’argon. Dès le début de ses recherches, lord Rayleigh avait trouvé pour le poids spécifique, rapporté à l’hydrogène, suivant l’habitude des chimistes, le nombre 19,94. Les déterminations ultérieures ont fourni exactement le même chiffre.

Ordinairement, c’est par rapport à l’air que l’on prend la densité des gaz et qu’on l’exprime. Le choix de ce terme de comparaison, tout à fait consacré par l’usage, est fâcheux, si l’on a en vue une extrême précision ; et, en effet, la composition de l’air pur que l’on considère comme constante en un même lieu et en