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deux édifices moléculaires distincts, — et, par suite, elle exigerait que la molécule contînt plusieurs atomes. L’étude spectroscopique plaide donc en faveur de la complexité de l’argon, qui serait au moins un mélange de deux corps.

L’existence de raies communes aux deux spectres de l’argon soulève une question qui n’est pas moins embarrassante. Est-il possible que deux gaz distincts ou deux variétés allotropiques d’un même gaz présentent vingt-six lignes communes ? Est-il seulement possible qu’ils en présentent une seule, sans se confondre par cela même ! L’état actuel de nos connaissances ne permet point de réponse à cet égard. A la vérité, M. Goossens, que nous suivons dans tout cet exposé, rappelle bien que les Tables spectroscopiques les plus dignes de confiance, comme celles de Thalèn, signalent plusieurs exemples de superposition, et entre autres trois raies du calcium qui coïncident respectivement avec une raie du strontium, une autre du titane et une dernière du chrome. Mais lui-même fait observer que ces superpositions peuvent n’être qu’approximatives et qu’elles s’évanouiraient sans doute si un prisme ou un réseau plus dispersifs étalaient davantage l’image lumineuse. S’il y a doute sur la possibilité de superposition pour une seule raie, à plus forte raison y aura-t-il doute pour vingt-six et l’on restera libre d’admettre que ces vingt-six lignes superposées caractérisent une troisième substance ou une troisième variété allotropique existant dans le mélange appelé argon.

Au résumé l’analyse spectrale fait pencher la balance en faveur de l’hypothèse de la complexité, c’est-à-dire de l’impureté de l’argon. Cette supposition est celle même que la découverte du krypton, du néon et du métargon est venue vérifier. Mais le caractère dubitatif et incertain des conclusions de l’analyse spectrale nous fait toucher du doigt les lacunes, les hésitations de cette méthode.

Changemens d’état. — L’étude des changemens d’état laisse subsister les mêmes doutes. Elle a été exécutée par M. Olszewski à la requête de W. Ramsay qui lui envoya une quantité suffisante d’argon à peu près exempt d’azote. Personne n’était mieux désigné pour ces recherches que l’éminent professeur de Cracovie, qui possède une compétence spéciale dans toutes les questions relatives aux basses températures, et qui partage avec notre compatriote M. Cailletet le mérite d’avoir réduit à l’état liquide et à