Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/700

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’état solide les gaz qui, jusqu’à notre époque, avaient été considérés comme permanens.

M. Olszewski a liquéfié et solidifié l’argon, comme déjà il avait liquéfié et solidifié l’azote et liquéfié l’oxygène. Le gaz se change en liquide à la température de 187° au-dessous de zéro sous la pression atmosphérique. Ce liquide est incolore ; il est une fois et demie plus lourd que l’air ; à deux degrés plus bas, à 189°, 6, il se prend en une masse cristalline solide. A ces températures l’azote est encore gazeux ; il ne se liquéfie qu’au-dessous de 194°, 4 et il se solidifie seulement à 214°.

En renouvelant l’opération, M. Olszewski retrouva les mêmes nombres. Or, l’on sait que la fixité des points de liquéfaction et de solidification, est un caractère de pureté et de simplicité : elle témoigne que la substance soumise à l’épreuve est une espèce définie et non pas un mélange de diverses substances. Si donc l’expérience d’Olszewski avait été répétée sur un assez grand nombre d’échantillons, on pourrait l’interpréter comme une démonstration que l’argon est bien un corps unique et non pas un mélange. Mais il n’en a pas été ainsi, et par conséquent, la conclusion reste en suspens. D’autre part, et tout au contraire, certaines circonstances de l’opération semblent indiquer la présence d’une petite quantité de corps étrangers.

En effet, après que l’argon liquide s’est pris en une masse cristalline transparente comme la glace, si la température continue de s’abaisser, cette masse s’opacifie et devient blanchâtre. Ce changement trahit une liquéfaction ou une solidification nouvelle se faisant au contact des premiers glaçons. Le phénomène est peu marqué ; il n’en est pas moins significatif ; il laisse soupçonner l’absence d’homogénéité de la substance. — L’étude des changemens d’état dépose donc en faveur de la complexité de l’argon, sans en fournir de preuve décisive.

Cette incertitude, d’ailleurs, tient moins à la méthode en elle-même qu’aux conditions défavorables où Olszewski a fait son observation. Il opérait, à ce moment, sous la pression ordinaire. M. Dewar a montré qu’il est presque impossible, dans ce cas, d’observer la succession réelle des phénomènes présentés par le mélange gazeux, ce mélange fût-il formé de gaz aussi différens que l’oxygène et l’azote de l’air. Il faut étendre le phénomène en durée, l’étaler en quelque sorte dans le temps, pour réussir à en apercevoir les phases.