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général ou gagnés par l’agent du roi d’Aragon, Mosen Ferrer. Le comte de Benavente, le duc de Bejar, et même le marquis de Villena et le duc de Najera, adhérèrent successivement au parti qui était en définitive celui de l’homme nécessaire. Le courant était devenu inéluctable : les villes et les campagnes acclamaient d’avance la rentrée de ce même prince qu’elles avaient naguère abandonné. Il arriva bientôt, comme dans toutes les circonstances analogues, que tout le monde parut avoir souhaité la restauration de Ferdinand. Dès que son retour fut annoncé, l’ordre commença de renaître, et bien avant qu’il eût quitté Naples, l’apaisement s’était fait dans tous les esprits.


II

Le roi d’Aragon, sorti de Castille un an auparavant presque en fugitif et en proscrit, y rentra en juillet 1507 au milieu des acclamations populaires et entouré des seigneurs accourus à sa rencontre. Il connaissait trop bien les hommes et les oscillations de la fortune pour se départir de son calme hautain, un peu ironique peut-être, et il ne s’avança qu’avec une majestueuse lenteur. Parti de Naples le 4 juin, suivi par une escadre de dix-sept galères, accompagné de Germaine de Foix et de Gonzalve de Cordoue, il s’était arrêté à Savone pour s’y concerter avec Louis XII qui lui témoigna une amitié fidèle : il débarqua solennellement à Valence, y reçut les députés des villes, et y séjourna trois semaines, travaillant sur-le-champ à régler les affaires, accueillant en maître gracieux les hommages de ses partisans anciens et nouveaux. Puis, il s’achemina à petites journées vers le royaume par la même route qu’il avait suivie pour en sortir. Il marchait précédé de ses massiers et rois d’armes, des alcades de cour et des officiers de la Couronne, dans le fastueux appareil d’un puissant prince qui revient dans ses Etats, plus fort et plus aimé que jamais, après une expédition glorieuse.

Il avait exprimé à Jeanne le désir de la voir, et celle-ci déféra sur-le-champ à l’invitation paternelle. Elle séjournait depuis quelque temps dans le bourg d’Hornillos, ayant quitté Torquemada, où régnait une épidémie : après avoir fait chanter un Te Deum, elle s’avança, toujours suivie du cercueil de son mari, jusqu’à la ville de Tortoles, où Ferdinand arriva le 24 août. Sur sa route, il avait été salué par le cardinal Ximénès, le nonce apostolique, le