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documens et les indices sont contradictoires, si elle a été instruite alors de la mort de son père. Un rapport de sa camarera mayor, D. Maria de Ulloa, l’affirme, mais d’autres relations, et, comme on le verra, divers détails de l’insurrection des Communes, semblent établir le contraire. Quoi qu’il en soit, il n’y eut d’autre changement dans sa situation, que le remplacement de son majordome Mosen Ferrer, d’abord par un subalterne nommé Hernan Duque, et enfin par un des plus grands seigneurs du pays, le marquis de Dénia, comte de Lerme. Nous retrouverons plus loin ce personnage.

Néanmoins don Carlos, à son avènement, crut devoir manifester de bons sentimens à l’égard de la reine : « Nul ne saurait, écrivit-il à Ximénès, avoir plus de sollicitude que moi-même pour l’honneur, le contentement, la consolation de ma mère. » Il recommanda en même temps qu’elle fût entourée des soins les plus assidus. Ces dispositions filiales se conciliaient d’ailleurs dans sa pensée avec le maintien du régime auquel Jeanne était soumise : il ne manque pas en effet dans cette même lettre au Cardinal d’interdire à « qui que ce fût de s’immiscer dans les affaires de la reine. » Peut-être entendait-il, par cet ordre péremptoire, se réserver la noble tâche de mieux organiser l’existence de sa mère : nous croyons toutefois, — les choses étant demeurées depuis dans le même état, — que don Carlos avait plutôt en vue de prévenir les intrigues de l’entourage. Diverses personnes, soit par maladresse, soit dans une intention suspecte, avaient essayé d’exciter la susceptibilité de Jeanne en lui racontant que son fils prenait le titre de roi d’Espagne ; celle-ci s’était écriée, disait-on, avec colère : « Je suis seule reine : il n’est que prince ! » Cette anecdote, si elle est exacte, expliquerait les précautions indiquées dans la lettre au premier ministre. Il n’en faut pas moins reconnaître qu’à cette époque, les recommandations de don Carlos pour le bien-être et la santé de sa mère furent plusieurs fois renouvelées. En outre, dès son arrivée en Espagne (septembre 1517), il lui fit annoncer sa prochaine visite et celle de sa sœur, l’infante Léonor. Tous deux se rendirent deux mois après à Tordesillas.


VI

Ils trouvèrent la reine dans un moment de calme et de lucidité. Conformément à l’étiquette, ils firent trois saluts