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Dans la nuit du 42 au 13 mars 1518, Plomont entra chez l’infante. Celle-ci, non plus que sa camériste, n’avaient été prévenues de peur de quelque indiscrétion. Il les éveilla doucement, leur dit de ne rien craindre, leur fit connaître les ordres du Roi. La jeune princesse, bien que rassurée par la présence d’un homme attaché de tout temps à son service, montra une certaine hésitation en même temps que plus d’esprit et de cœur que son frère : elle s’écria : « Mais que dira ma mère ? n’eût-il pas mieux valu lui donner quelque prétexte de santé pour expliquer mon départ ? » Plomont n’avait pas à discuter la conduite du maître : il insista seulement sur les ordres qu’il avait reçus et finit par convaincre l’infante. Celle-ci et la camériste se vêtirent en hâte, passèrent par le trou pratiqué dans le mur, gagnèrent les portes qui leur furent aussitôt ouvertes, et furent remises au commandant de l’escorte. Catherine arriva dès le matin à Valladolid où elle fut reçue avec joie. Léonor s’empressa de la parer d’une brillante toilette de satin violet brodé d’or, de la coiffer à la mode de Castille. Un tournoi et un bal furent donnés le lendemain en son honneur. Le Roi l’entoura sur-le-champ d’officiers et de dames : toute la maison royale était en fête. L’infante était éblouie et ravie de ces jours pareils à un merveilleux rêve. Mais cette illusion fut de courte durée : de graves nouvelles arrivèrent bientôt de Tordesillas.

Lorsque, à son réveil, Jeanne avait, comme d’habitude, demandé sa fille, la camériste qui entra dans la chambre de l’infante fut tellement effarée en la trouvant vide qu’elle n’osa point rentrer chez la reine. Celle-ci, impatientée de son retard, pénétra elle-même dans l’appartement et, croyant sans doute que la princesse s’était cachée par espièglerie, la chercha dans tous les coins avec une inquiétude croissante : elle s’avisa enfin de soulever la tapisserie, et aperçut l’issue ouverte sur la galerie contiguë. Comme elle ne pouvait deviner la vérité, elle crut d’abord que des malfaiteurs avaient enlevé sa fille et tomba dans une crise de larmes, de colère, et de gémissemens. Puis elle déclara à ses serviteurs qu’elle était décidée à ne manger ni boire jusque ce qu’on eût retrouvé la princesse. Elle avait déjà usé, comme nous l’avons dit, de pareille menace en diverses circonstances, mais cette fois le bouleversement de son âme était si grand qu’on ne pouvait guère douter de sa résolution.

Plomont essaya vainement de la calmer. Il promit, pour