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vaisseau Boiteux et, après lui, le colonel Bonnier vont occuper, sans en avoir reçu l’ordre, Tombouctou, élargissant ainsi d’une manière démesurée le théâtre des opérations et le territoire d’occupation dans la vallée du haut Niger. Tombouctou lui-même, qui devrait être, aux yeux des plus exigeans, le terme de ces étonnantes aventures, n’est qu’une étape et qu’un jalon dans une marche toujours en avant. De cette ville et de Ségou on rayonne sur la rive droite du Niger : on occupe Bandiagara, le Yatenga, puis le Mossi, le Gourounsi, le Liptako ; on pénètre au Gourma, et le commandant Destenave s’installe à Saï sur le Niger moyen, atteignant ainsi le point extrême fixé à nos possessions sur la rive gauche du fleuve. On ne s’arrête pas là, d’ailleurs. On descend le Niger, et, en aval de Saï, on s’établit à Ilo, à Gomba, aux rapides de Boussa même ; on va plus loin encore, et l’on conquiert le Borgou. Entre temps on avait brisé la puissance des Dahoméens et fait leur roi prisonnier. Les souverains indigènes sont partout chassés ; nous détrônons le naba du Mossi, nous traquons Ahmadou, qui s’est réfugié dans le Liptako, nous intervenons à main armée dans les royaumes du Gourma, du Gourounsi et de Boussa ; nous faisons fuir dans la brousse le roi du Borgou. Au commencement de 1898, nous nous tournons contre Babemba, le successeur de Tiéba, nous incendions sa capitale, et, lui tué, nous annexons ses États. A part Samory, ce roi vagabond, dont les États se déplacent sans cesse, il n’existe plus en face de nous un potentat nègre qui ose lever la tête. Tout a cédé à nos armes. Tout se tait. Nous sommes complètement les maîtres dans la vallée du moyen Niger.

La conquête, du reste, avait été chèrement achetée, et le plus généreux du sang de France avait coulé dans ces plaines lointaines. Trop faibles et trop disséminées, nos colonnes furent trop souvent massacrées. Le premier qui inaugura la série funèbre fut le capitaine Ménard, mort dans les environs de Kong en combattant contre les bandes de Samory ; à quelque temps de là, avaient lieu le massacre du lieutenant Aube à Tombouctou et l’hécatombe de la colonne Bonnier à Goundam ; puis, c’est le massacre de Rhergo et celui de Liptako ; le capitaine Braulot est assassiné par les lieutenans de Samory ; à Ilo meurt l’adjudant de Bernis ; et la mission Cazemajou est à peu près tout entière anéantie au nord du Bornou et du Sokoto.

Mais, si douloureuses que fussent ces pertes, le résultat cherché