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comme elle fait le catholicisme, d’après ce qu’elle a l’occasion d’en voir à Bannisdale : mais aussi bien n’en voit-elle là qu’une parodie, inventée à plaisir pour nous indigner.

Une parodie : c’est le seul nom que nous puissions donner à cette soi-disant peinture d’un milieu catholique ; et une parodie obtenue par des procédés que Mrs Humphry Ward aurait dû dédaigner, car ils ne font point songer à Pascal, mais plutôt à quelqu’un de ces casuistes que les Lettres provinciales ont rendus immortels. Nous admettons volontiers, par exemple, qu’un prêtre ait la manie de tuer les mouches. Un auteur anglais, — un catholique, — nous apprend même que jadis un évêque a eu cette manie. « Dès que le vénérable Milner entendait le bourdonnement d’une mouche, — lit-on dans une ancienne Vie de ce saint évêque[1], — il se levait de son siège, brandissait son mouchoir, et fonçait sur l’insecte avec une violence extrême. — La vilaine bête ! — s’écriait-il. Il chassait aux mouches même dans la chapelle : et il avait coutume de dire que Belzébuth était le dieu des mouches. » L’écrivain catholique qui cite ce passage y voit une preuve de l’exactitude de la peinture de Mrs Humphry Ward : mais la citation ne prouve-t-elle pas plutôt que l’auteur d’Helbeck of Bannisdale. s’est bornée à « démarquer » un extrait d’un vieux livre, au lieu d’observer directement la réalité ? Et ne sent-on pas ce qu’il y a de fâcheux à défigurer par de tels moyens un personnage qui doit passer, ensuite, pour le type de tout le clergé catholique anglais ?

L’exemple des religieuses est encore plus frappant. Mrs Humphry Ward peut bien avoir lu dans une Vie des Saints l’anecdote du saint abandonnant son frère ; mais de quel droit nous affirme-t-elle que ce sont des traits de ce genre que les sœurs catholiques racontent aux enfans ? Et de quel droit nous donne-t-elle à entendre que toutes les vies de saints ne sont remplies que de traits de ce genre ? Ignore-t-elle qu’il y a eu d’autres saints, dont la vie est pour le moins aussi familière aux catholiques que celle de ceux-là : des saints pour qui le catholicisme a été une source de sentimens nobles et d’actions sublimes, saint Vincent de Paul, par exemple, pour ne point parler de saint François d’Assise ? Et si quelques religieuses sont intolérantes, inintelligentes, voire intrigantes et fausses, Mrs Humphry Ward n’en connaît-elle pas

  1. Citée par M. St. George Mivart dans le Nineteenth Century d’octobre 1898.