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Helbeck et son entourage. Si Mrs Ward s’était bornée à soutenir l’une ou l’autre de ces deux thèses, les faits qu’elle nous a racontés nous auraient touchés plus à fond, et auraient eu une portée infiniment plus sérieuse ; cardes situations comme celle d’Helbeck et de Laura ne doivent pas être rares, dans un pays où la lutte religieuse est demeurée très vive ; et, d’autre part, rien n’empêche d’imaginer qu’il y ait eu, qu’il y ait encore en Angleterre des catholiques pareils à ceux de Bannisdale, sacrifiant tout le reste du dogme au seul principe de l’obéissance, et ne voyant dans la vie qu’une attente de la mort. Mais, pour nombreux que puissent être ces catholiques, c’est « rapetisser » le catholicisme que de l’incarner en eux ; et de ce que deux amans ont des façons opposées de comprendre Dieu, le romancier n’a pas le droit de conclure que l’une de ces façons soit supérieure à l’autre.

Mrs Ward a eu le tort de vouloir trop prouver. Et son tort a été d’autant plus grand que, malgré la passion qu’elle témoigne pour elles, elle ferait mieux de s’abstenir des questions générales. Remarquablement douée pour le récit et pour la description, son talent même semble la trahir dès qu’elle tente de raisonner. Ses personnages ne vivent qu’aussi longtemps qu’ils ne discutent pas ; et ils discutent beaucoup, beaucoup trop, mais toujours sur des détails secondaires, sans pouvoir atteindre jusqu’au fond des choses. Il y a plus de philosophie dans Sibylle, d’Octave Feuillet, que dans Helbeck of Bannisdale. Il y en a plus dans Mademoiselle de la Quintinie. Et quand Mrs Humphry Ward nous apitoie sur Alan Helbeck, qui ne pense qu’à la mort, tandis qu’il serait si bien fait pour jouir de la vie, nous ne pouvons nous défendre de songer qu’elle-même perd un peu son temps à essayer de débattre des problèmes qui la dépassent, tandis que personne ne connaît, ne comprend mieux qu’elle les sites, les traditions et les mœurs du Westmoreland.


T. DE WYZEWA.