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UN
GRAND MUSICIEN CONSERVATEUR

LE REQUIEM ALLEMAND DE JOHANNÈS BRAHMS

Comment n’a-t-on joué que deux fois en France, et dans de médiocres conditions, cette œuvre admirable et déjà trentenaire ? Pourquoi surtout ne l’avoir pas exécutée l’année dernière, à la mémoire de L’illustre musicien qui venait de mourir ? Sinon dans une église, où peut-être n’eût pas été admis un Requiem allemand, du moins dans cette salle, dans ce temple de beauté maintenant fermé : au Conservatoire. Là furent jouées pour la première fois les symphonies de ce Beethoven que Brahms aimait tant et que parfois il rappelle. J’aurais souhaité que cet hommage, en ce lieu, fût rendu au grand disciple du plus grand des maîtres.

De l’aveu général, le Requiem allemand est l’œuvre maîtresse de Brahms. A trente années de distance, cette musique apparaît très pure, très pieuse, à la fois puissante et douce. Volontairement isolée, contemporaine et indépendante de la réforme wagnérienne, on dirait qu’elle l’ignore ou la dédaigne. Elle ne proteste pas ; elle atteste seulement qu’en dehors d’un mouvement en apparence irrésistible, au-dessus d’un flot qui menaçait de tout engloutir, quelque chose de grand a pu naître, et demeure. Le Requiem allemand, c’est un sommet très haut, très fier, et non submergé.

Musicien conservateur, qu’est-ce donc que ce musicien a conservé ? Tout simplement l’un des modes et comme l’une des