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commise a été de croire qu’elles eussent pour rôle de rendre la vie plus agréable et non de la rendre meilleure. La beauté n’est pas une religion. Le désir du bonheur n’est pas un principe. On ne fonde rien sur l’égoïsme. Dans notre société moderne, qui fait aux femmes une si large place, elles ont un premier rôle qui consiste justement à rendre possible la vie de société. Leur tact, leur esprit, leur grâce y fait merveille. Sitôt que leur influence décline, on voit disparaître la politesse, tomber la conversation, s’évanouir toute sorte de choses charmantes. C’est aussi bien ce qui se passe sous nos yeux. Si les mœurs d’aujourd’hui retournent à être si odieusement grossières, c’est justement que la société et que la femme elle-même y devient masculine. Mais la femme a un autre rôle, plus important et de plus de conséquence : c’est d’être une éducatrice. Elle seule peut former les âmes ; elle seule peut y imprimer des caractères qui ne s’effaceront plus et y déposer les semences de la noblesse et de la pureté. C’est de cette fonction qu’elle doit être jalouse, et c’est de son accomplissement qu’elle peut attendre, sans y avoir prétendu, l’espèce de récompense qui n’est pas refusée à la bonne volonté. Le dépôt de la moralité a été remis entre ses mains. Le vrai féminisme consiste à savoir comment elle saura le garder. Nous ne demandons qu’à nous agenouiller devant la femme comme devant une prêtresse, mais c’est à condition qu’elle se consacre à la seule religion qui soit au monde et qui est la religion de la Bonté et de la Vertu.


RENE DOUMIC.