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Rome et réciproquement ! » La colonie de lord Baltimore ne tarda pas à en faire l’expérience ; et vingt ans ne s’étaient pas écoulés qu’après avoir profité de la tolérance qui leur était offerte au Maryland pour y fonder de nombreuses églises, les protestans en abusaient, dès qu’ils se voyaient devenus le nombre et la force, pour rétablir l’intolérance sur les ruines de la liberté. « Ils réclamèrent la suprématie dans la province où ils jouissaient de l’égalité, dit l’historien G. Bancroft ; les fausses allégations ne furent pas épargnées ; on demanda la constitution d’une dotation, aux frais de la colonie tout entière, pour le clergé protestant ; » et finalement, en 1681, le ministère anglais décidait que tous les emplois publics du Maryland ne pourraient être désormais confiés qu’à des protestans[1]. Les catholiques du Maryland, pour recouvrer leurs droits, durent attendre la guerre d’indépendance, et qu’on eût voté le célèbre article de la Constitution de 1787, portant que le Congrès des Etats-Unis « ne pourrait rendre aucune loi pour établir une religion, ni pour en prohiber le libre exercice. » Deux ans plus tard, le 6 novembre 1789, à la suite de négociations engagées et poursuivies entre la Cour de Rome et le gouvernement de la nouvelle République, par l’intermédiaire de Franklin, Baltimore devenait le siège du premier évêché d’Amérique.

S’il est intéressant d’avoir vu les débuts du catholicisme en Amérique liés à ceux de la tolérance, il ne l’est pas moins pour nous d’en voir les premiers progrès liés à l’action de la France ; — et aux conséquences de la Révolution. Compensation de la Providence ou ironie de l’histoire, c’est notre Constitution civile du clergé dont l’application devait être l’origine de la renaissance du catholicisme en Angleterre et de sa diffusion aux Etats-Unis. Les catholiques américains manquaient surtout de prêtres, et le peu qu’ils en avaient manquait de science. La France leur donna le premier de leurs grands séminaires, celui de Baltimore, fondé en 1791 par les Sulpiciens : un Français, M. Nagot, en fut le premier supérieur ; c’est un Français, M. Magnien, qui le dirige actuellement ; il ne s’est succédé entre eux, dans leurs délicates fonctions, que des Français ; et ce n’en est pas moins du séminaire de Baltimore que sont sortis, sans parler d’une trentaine d’évêques, deux des prélats qui sont au premier

  1. G. Bancroft, Histoire des États-Unis, traduction I. Gatti de Gamond ; Paris, 1861. Didot, t. Ier, ch. VII, et t. III, ch. XIV.