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de leur troupeau des soins assez efficaces : Numerus operariorum… valde inferior est illo quo opus est, longe impar necessitatibus animarum nostræ curæ commissarum. » On remarquera qu’à cette date de 1837, les catholiques d’Amérique ne sont pas en tout plus de 1 200 000.

Les vraies difficultés devaient venir d’ailleurs, et le plus redoutable obstacle que rencontrât le catholicisme était dans quelques-unes de ses propres doctrines ; — ou plutôt dans la fausse idée que l’on persistait à s’en former. Nous n’aurons pas de peine à nous en rendre compte, si nous nous rappelons que « les premiers colons des Etats-Unis s’y étaient établis en qualité de chrétiens… et que les institutions qu’ils s’y donnèrent avaient été marquées du sceau de la religion.[1]. » Les historiens distinguent des colonies de conquête et des colonies de peuplement : il y a eu aussi des colonies de religion ; et les Etats-Unis ont commencé par en être une. Mais la religion de ces premiers colons était celle de Calvin. Et, en dépit de la tolérance et de la liberté politique, il était inévitable que l’esprit protestant, attaqué dans le domaine qu’il avait quelques raisons de considérer comme sien, puisque enfin il l’avait constitué, se réveillât, s’efforçât de réagir, et réussît pour un temps, sinon à interrompre, du moins à ralentir le développement de l’esprit rival. Le moyen en était simple, et, remontant lui-même à son origine, le protestantisme n’avait qu’à faire valoir contre le « papisme » les argumens de l’âge héroïque de la Réformation. Les catholiques, on le pense bien, n’eurent garde de refuser le combat.

On trouvera dans la Vie du cardinal de Cheverus, par M. Hamon[2], de curieuses réponses du prélat à un protestant qui avait vivement attaqué, dans une Revue de Boston, les indulgences, le culte des reliques et l’ « intolérance romaine. » De nos jours, le cardinal Gibbons, dans un petit livre d’une franchise, d’une simplicité, et d’une clarté admirables, la Foi de nos Pères (the Faith of our Fathers), — qui ne s’est pas répandu à moins de 240 000 exemplaires en vingt ans, — a discuté une à une toutes ces délicates questions de controverse, depuis celle du purgatoire et de la prière pour les morts, jusqu’à celle de l’invocation des saints et du culte de la Vierge. Et à ce propos, si j’osais ici me servir d’une

  1. Baird, la Religion, etc., I, livre II, passim.
  2. Voyez la Vie du cardinal de Cheverus, par le curé de Saint-Sulpice (M. Hamon), septième édition ; Paris, 1883, V. Lecoffre. P. 95 à 102.