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croire aux vérités de la révélation divine ne sauraient assurément suffire à fonder la certitude objective de la révélation. A vouloir « naturaliser le surnaturel » on risquerait de le faire évanouir. On peut bien « naturaliser » le surnaturel général, on ne « naturalisera » jamais le surnaturel particulier ; et toute la question du surnaturel est la question du surnaturel particulier. Mais ce n’est pas aujourd’hui le temps d’insister, et il est certain qu’en recourant à ce moyen de promouvoir le catholicisme à l’avant-garde, pour ainsi parler, du mouvement de la pensée contemporaine, en Amérique et dans le monde, les catholiques d’Amérique ne se sont pas trompés.

C’est précisément là ce qu’il y a d’instructif dans leur exemple, et de bien plus instructif encore pour l’homme d’Etat, pour le philosophe et pour l’historien, que pour le catholique. Car le catholique peut être heureux de ce progrès du catholicisme aux États-Unis ; il en peut être fier ; il n’en est pas autrement étonné : aucun progrès de sa religion ne saurait passer l’ambition de ses espérances. Mais pour les autres, pour tous les autres, pour les indifférens, pour les libres penseurs, qu’une doctrine tant attaquée naguère, par des moyens qu’on eût crus si puissans, de tant de côtés, et à la fois ; par des ennemis qui tous, ou presque tous, avaient autant d’intérêt qu’ils mettaient d’acharnement à la dénaturer et à l’anéantir ; pour tant de raisons, que la raison même semblait autoriser, et non seulement la raison, mais la grande idole de notre temps, — c’est la science ; — qu’une telle doctrine, bien loin de succomber, n’ait peut-être jamais exercé de pouvoir plus considérable, ni réalisé de progrès plus rapides, que dans le siècle de la critique, et dans le pays où la liberté ressemble quelquefois à l’abdication de tout ce que nous appelons en Europe le droit de l’État, voilà qui est extraordinaire ! Que cette doctrine, chassée du pays qui s’était pendant des siècles appelé « très-chrétien, » — c’est le nôtre, — et persécutée par des moyens aussi violens et non moins criminels que ceux qui avaient procuré la révocation de l’Edit de Nantes, ait trouvé, dans la faiblesse même où l’on se flattait de l’avoir réduite, le principe ou plutôt le renouvellement de sa force, et qu’en plein pays protestant, en Amérique et en Angleterre, où ils n’étaient qu’à peine quelques milliers, quelques centaines, ses fidèles se comptent aujourd’hui par millions ; voilà qui est « providentiel ! » Et qu’enfin cette doctrine, qu’on accusait volontiers de contraindre la liberté de