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il joua d’habileté et, pour conquérir Ziber, le nomma gouverneur du Bahr-el-Ghasal. C’est de cette façon un peu humble que l’Égypte s’établit dans la contrée.

Néanmoins, quelques années après ces événemens, Ziber fut évincé du Bahr-el-Ghasal par un subterfuge. En 1875, ayant conquis le Darfour pour le compte de l’Égypte, et ayant reçu en récompense le titre de pacha, il entreprit de faire un voyage au Caire pour présenter ses hommages au khédive. En eut-il spontanément l’idée ? ou bien lui fut-elle habilement suggérée ? ce point reste douteux. Arrivé en Égypte, il fut reçu magnifiquement, on s’empressa autour de lui, on le loua sans réserve de ses exploits, puis quand, rassasié d’honneurs, il voulut regagner ses savanes et ses forêts du Bahr-el-Ghasal, il s’aperçut qu’il était prisonnier. Longtemps, mais en vain, il espéra reconquérir sa liberté perdue, et depuis vingt-cinq ans, il promène du Caire à Hélouan son regret, son ennui, sa rancune.

Lors de son départ, Ziber avait confié son fils Soliman, à peine sorti de l’adolescence, à ses lieutenans, compagnons de sa fortune. En apprenant que Ziber est captif, Soliman et ses conseillers se préparent à se soulever contre le khédive. Mais ils délibéraient encore à Dara sur le plan de campagne, que déjà, par un beau coup d’audace, Gordon apparaissait au milieu d’eux. Son arrivée soudaine jette le trouble parmi les partisans de Soliman, les timorés se rallient à lui, les résolus perdent courage, et Soliman confondu se laisse nommer bey et gouverneur du Bahr-el-Ghasal.

La paix ne dura guère. Pendant sa campagne au Darfour, Ziber avait choisi pour le suppléer dans le gouvernement du Bahr-el-Ghasal un Dongolais nommé Idris Woled Dabter. Celui-ci se vit de fort mauvais œil supplanté par le fils de son ancien patron, dont il pensait recueillir la succession. A la jalousie personnelle qu’il nourrissait contre Soliman se joignait la haine séculaire qui divise au Soudan Dongolais et Djaalin.

Idris se rend à Khartoum, y répand le bruit que Soliman ne s’est soumis qu’en apparence et va se révolter au premier jour. Il intrigue si habilement, avec l’aide des Dongolais, ses compatriotes, qu’il réussit à supplanter Soliman dans le gouvernement du Bahr-el-Ghasal. Mais celui-ci, dont aucun indice ne permettait de suspecter les intentions, se révolte en apprenant qu’il est destitué.