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valeur thermogène ou calorifique des hydrates de carbone est moitié moindre ; elle est de 4,2 calories ; la valeur thermogène des albuminoïdes est de 4,8. Les choses étant ainsi, on comprend pourquoi l’animal se nourrit d’alimens qui sont des produits très élevés dans l’échelle de la complication chimique.


IV

En dehors de la théorie énergétique que nous avons exposée plus haut, il existe une autre manière de concevoir le rôle de l’aliment. Elle consiste à le considérer comme une source de chaleur. Nous savons qu’un aliment est une source d’énergie calorifique pour l’organisme. Inversement toute substance qui, introduite dans l’économie, s’y disloquera avec dégagement de chaleur sera-t-elle un aliment ? C’est une question très controversée, en ce moment même. La plupart des physiologistes admettent qu’il en est ainsi. La notion d’aliment se confond pour eux avec le fait d’une production de chaleur ; est réputé tel tout ingestat qui dégage de la chaleur dans l’intérieur du corps.

Le plus impérieux besoin de l’être vivant est d’être alimenté en chaleur. L’animal à sang chaud possède une température constante et la fixité même de cette température interne est chez lui une condition nécessaire à l’exercice et à la conservation de la vie. D’autre part, dans le milieu ambiant, plus froid que l’organisme, la chaleur animale se dissipe sans cesse. Il faut donc un apport continuel d’énergie calorifique pour maintenir cette fixité indispensable. La nécessité de l’alimentation se confond, d’après cela, avec la nécessité d’un apport de chaleur pour couvrir le déficit dû au refroidissement inévitable de l’organisme. C’est la grandeur des pertes qui détermine et règle le besoin d’alimens et qui fixe la valeur totale de la ration d’entretien.

Telle est la théorie qui s’oppose à la théorie énergétique et lui dispute la faveur des physiologistes. Elle a des adeptes très convaincus en MM. von Noorden, Rubner, Ch. Richet et Lapicque. Pour eux la thermogénèse domine absolument le jeu des échanges nutritifs ; et ce sont les besoins de la calorification qui règlent la demande totale de calories que chaque organisme exige de sa ration. Ce n’est point parce qu’il produit trop de chaleur que l’organisme en disperse par sa périphérie, c’est plutôt parce qu’il en disperse fatalement qu’il s’adapte à en produire.