que de la diriger. Je fus, d’ailleurs, frappé d’un fait matériel, étrange et évidente démonstration du trouble qui s’était emparé, non d’un brave cœur qui n’avait jamais connu la peur, mais d’un esprit impuissant à combiner ou à vouloir. En arrivant à l’état-major, j’avais trouvé le général seul et je lui avais exprimé vivement la nécessité absolue de prendre sur l’heure des mesures concertées entre la garde nationale et l’armée. Rien de précis, rien d’ordonné dans les réponses. Pendant qu’il me parlait, mes regards furent attirés par un mouvement saccadé de sa poitrine soulevant la grand’croix de la Légion d’honneur qui la décorait. Jamais je n’avais vu une agitation intérieure et morale se dévoiler ainsi au dehors par des mouvemens indépendans de la volonté. Je me hâte d’ajouter que le général Jacqueminot était encore fort malade le 23 février, et que dès lors il faut mettre sur le compte de la maladie une partie du trouble profond qui s’était emparé de son esprit. Quoi qu’il en soit, je fus dès ce moment douloureusement frappé de l’insuffisance du commandement dans lequel l’ardeur de la plus héroïque bravoure ne pouvait suppléer au calme supérieur du courage civil. Au reste, cet état des choses devait apparaître avec tant de clarté à tous ceux qui entouraient comme moi le général, qu’une décision royale vint bientôt donner une direction supérieure à celle qui faisait si malheureusement défaut : vers deux heures de l’après-midi, le duc de Nemours, chargé par le roi de cette direction, vint s’installer au Louvre, à l’état-major de la garde nationale.
Un grave événement avait, d’ailleurs, précédé l’envoi du prince ; j’en reçus par lui la première nouvelle. — Ayant appris l’arrivée du prince à l’état-major, où je me tenais dans une salle séparée au milieu des colonels, mes collègues, je m’empressai de me rendre auprès du duc de Nemours. Du plus loin qu’il me vit :
— Eh bien, mon cher comte, vous devez être content ! M. Guizot n’est plus ministre.
— Bien loin de là, monseigneur, vous méconnaissez ma pensée ; je m’en afflige profondément : c’est trop tard ou trop tôt. On ne change pas un général au beau milieu d’une bataille.
C’était bien là toute ma pensée, et certes les événemens ont prouvé qu’elle était trop juste. J’ignorais à ce moment, comment s’était tout à coup brisé le lien qui semblait si indissolublement unir le roi et M. Guizot.
Depuis quelques jours, la reine Marie-Amélie, sous l’influence