ceux qui, au fond, repoussaient ces noms et ne voyaient qu’une révolution et une revanche derrière le mot de réforme ! — À son retour au palais, le roi était arrivé au dernier degré du découragement, trop bien préparé déjà par les faits et les désillusions qui s’étaient si cruellement accumulés sur ses pas depuis vingt-quatre heures à peine. Il y trouva les rapports les plus inquiétans sur l’état des choses et des esprits dans Paris. Pour moi, à peine descendu de cheval, j’interrogeai les officiers d’ordonnance et les gardes nationaux qui, par ordre ou spontanément, étaient venus apporter des rapports aux Tuileries. Toutes les informations ne firent qu’accroître l’anxiété profonde de ma pensée qui voyait se dresser et grandir à chaque instant devant elle le spectre sanglant d’une révolution. En effet, quel menaçant et douloureux tableau !
Au Palais-Royal, les défenseurs du Château-d’Eau avaient résisté jusqu’au dernier et n’avaient pas été secourus, quoique les coups de feu fussent entendus des postes mêmes des Tuileries et du Louvre. La troupe frémissait, les chefs sans ordre n’osaient prendre sur eux aucune responsabilité. Sur la place de la Concorde, les troupes avaient barré les abords de la place. Le duc de Nemours se tenait, avec son état-major, à l’entrée de la rue Royale, attendant sans doute des ordres et n’en donnant aucun. A l’état-major de la garde nationale, on peut dire que Jacqueminot n’existait plus. Le général Tiburce Sébastiani, gouverneur de la division de Paris, ne restait pas en place, comme le prince, mais chevauchait de tous les côtés, allant d’une brigade à une autre, substituant une agitation purement physique au calme qui aurait pu lui suggérer quelque résolution, quelque manœuvre efficace. En face du duc de Nemours, au pied du grand escalier de la Chambre des députés, se trouvait le général Bedeau, qui laissait se former non loin de lui le noyau des gardes nationaux en uniforme bientôt assez nombreux pour envahir la Chambre et en chasser les députés. Dans les Champs-Elysées, des bandes d’émeutiers préparaient l’attaque de deux postes de gardes municipaux, situés l’un près de l’avenue Gabriel, et l’autre non loin du Cours-la-Reine, à moins de deux cents mètres de la troupe. Armés de fusils et de torches, ils allaient en faire le siège en règle, en y portant la mort avant d’y porter l’incendie ; et — fait qui ne saurait se comprendre — la troupe, si rapprochée, ne reçut aucun ordre pour aller dégager de braves militaires résolus à faire jusqu’au bout leur devoir.