Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/352

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quelques notes de plain-chant, rien de plus que cette formule mélodique, ondoyante et souple de la Préface, pour laquelle on rapporte que Mozart eût donné tous ses chefs-d’œuvre, tant il l’admirait.

Dans le drame sacré d’une profession, la poésie se renouvelle sans cesse. Parfois c’est un souffle d’Orient qui passe. « Venez, ma bien-aimée, que je vous place sur mon trône, car le roi a désiré votre beauté. » Mais l’épousée vêtue de noir alors répond : « Je suis la servante du Christ et sous une livrée servile il convient que je paraisse. » Ailleurs elle s’émerveille : « Me voilà donc unie à celui que servent les anges, à celui dont le soleil et la lune admirent la beauté. » Ailleurs enfin elle s’enorgueillit et s’exalte : avec un cri, avec un geste de triomphe, elle élève aux yeux de tous sa main droite où brille l’anneau. Ainsi l’action de grâces prend toutes les formes, tantôt la plus poétique, la plus pittoresque même : « J’ai reçu de sa bouche le lait avec le miel, et son sang a fait l’ornement de mes joues ; » tantôt la plus rigoureuse et pour ainsi dire la plus abstraite : « Ce que j’ai désiré, je le vois ; ce que j’ai espéré, je le tiens. »

Maintenant le mystique hymen s’est consommé par la communion ; la messe est finie. Pour la seconde fois, la procession se dirige vers la porte du cloître, qui se rouvre. Entourée de ses moniales, toujours immobile et muette, l’Abbesse reparaît. C’est encore un beau moment. Tout se tait, on n’entend que le bruissement du feuillage et le vol sifflant des hirondelles. La voix de l’Abbé s’élève et cette voix parlée, après tant de voix qui tout à l’heure chantaient, prend dans le plein air du matin je ne sais quelle froideur saisissante : « Voici, dit l’Abbé, voici, Madame, les épouses du Seigneur. Il les avait appelées dans sa bonté infinie et elles ont répondu à son appel. Elles reviennent couronnées de fleurs, ayant au doigt l’anneau de l’éternelle alliance. C’est donc au nom du Seigneur qu’elles se présentent à vous, qui êtes leur sœur et leur mère. Recevez-les, Madame, dans la maison de votre commun époux. Sous votre garde maternelle, les roses et les lis de leur couronne conserveront toujours leur fraîcheur et leur parfum, et lorsque viendra le jour des noces de l’Agneau, elles iront joyeuses, au-devant de lui, portant leur lampe allumée. Telle est, Madame, notre chère espérance. Telle est aussi la vôtre. Que la paix du Seigneur demeure avec vous. » Toujours silencieuse, l’Abbesse s’incline, les portes se referment ; le cloître ne rendra plus jamais sa douce proie.