Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Californie qu’assiégeaient les aventuriers des deux hémisphères ; on vit là des misères sans nom, mais elles ont peu duré : les mines californiennes ont donné sept milliards d’or, et San Francisco est devenu l’un des principaux centres agricoles, industriels et maritimes de l’Amérique. Trois ans plus tard, c’était l’Australie qui entrait en scène à son tour, et rien n’a tant contribué que les dix milliards d’or déjà extraits de son sein à faire de ce qui n’était qu’un désert sans fin une puissante et prospère agglomération. Il y a dix ans, ce n’était plus l’Occident ni l’Orient qui criait εὕρηκα, c’était l’Afrique australe ; et il a suffi de quelques années pour livrer aux efforts combinés de l’industrie, du capital et de la science tous les secrets de ce lointain Transvaal auquel les Boërs n’étaient allés demander que de tranquilles pâturages.

La récolte annuelle de l’or dans le monde entier dépassant maintenant 1300 millions de francs, la République Sud-Africaine y contribue pour plus d’un cinquième et les Etats-Unis aussi ; l’Australie, orientale et occidentale, ne fait guère moins ; et c’est du nord que viennent ensuite les plus forts contingens. Saupoudrée d’or depuis l’Oural jusqu’à la mer du Japon et jusqu’à la mer d’Okhotsk, la Sibérie en enverrait déjà pour 200 ou 250 millions à la Monnaie de Saint-Pétersbourg, si la rigueur du climat n’y limitait chaque année l’exploitation des mines à quelques mois ; et, malgré cela, elle donnera peut-être ces 200 ou 250 millions quand le chemin de fer transsibérien permettra d’y conduire avec moins de peine et moins de frais qu’aujourd’hui les ouvriers, les vivres, les machines.

Enfin, voici que, plus près du pôle encore, au nord-ouest de l’Amérique du Nord, dans une contrée qui naguère ne figurait qu’en blanc au haut des cartes du nouveau monde, de prodigieuses trouvailles, dont l’émotion publique et la spéculation ont encore su exagérer la portée, sont venues rallumer cette fièvre de l’or dont toutes les parties du globe auront tour à tour connu les effets. Là aussi, sous un ciel d’une singulière inclémence, le désert s’est, pour ainsi dire, peuplé d’un jour à l’autre et une âpre lutte, une lutte acharnée s’est engagée, brusquement, entre l’homme et la nature. L’éloignement du champ de bataille ne permet pas jusqu’ici de bien préciser les résultats obtenus. Mais il y a grand intérêt à suivre, fût-ce de loin, les péripéties de cette nouvelle poussée de l’auri sacra fames. D’ailleurs, n’avons-nous pas le devoir d’éclairer de notre mieux ceux qui, de ce côté de l’Atlantique,