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Les matières aurifères obtenues chaque jour sont amenées à la surface, au moyen de treuils, et mises en réserves pour être lavées pendant la belle saison. Le procédé de l’écuelle ou du pan, comme mode de lavage, semble bien primitif ; mais tant que dure la période des tâtonnemens et des essais, il faut s’en contenter. Deux coups de pelle remplissent le pan et un bon travailleur lave près de cent pans par jour, soit dix pieds cubes (le quart d’un mètre cube environ). Avec le rocker le traitement s’accélère : c’est un grand sas, un grand tamis carré, que porte une sorte de berceau oscillant : le gravier reste suspendu, le liquide fuit et les paillettes d’or tombent sur une table où elles se fixent. Le sluice constitue un progrès moins relatif : on nomme ainsi une longue gouttière de bois, à section quadrangulaire, où viennent couler en pente douce les eaux mères ; l’or, à raison de sa densité, va au fond et se trouve retenu par les rainures dont le canal est tapissé. On donne au sluice comme au rocker son maximum d’efficacité par l’emploi du mercure, pour lequel l’or à une affinité toute spéciale et dont il se sépare sans peine après l’amalgamation.

Quelle que soit la méthode adoptée, les journées sont fructueuses pour qui a vraiment mis la main sur une bonne veine et l’or pulvérulent s’amasse dans les cachettes qui servent de coffres-forts. N’y entrât-il par jour que pour 200 francs de poudre, ce serait de quoi faire ouvrir de bien grands yeux à ceux de nos ouvriers qui gagnent 20 francs par semaine ; mais la réalité n’est pas tout à fait conforme aux apparences. Cette poignée d’or qui, séchant au soleil, semble représenter le gain de quelques heures de travail seulement, a aussi à rémunérer, en fait, les labeurs d’un long et terrible hiver. Puis, outre les frais considérables du voyage et de l’équipement, le matériel mis en œuvre, si rudimentaire qu’il soit, implique une grosse mise de fonds, étant donné la cherté des bois ouvrés et des transports. Le combustible, lui, semblait s’offrir à discrétion ; mais il s’en consomme tant que certaines pentes, le long de l’Eldorado et de la Bonanza, sont déjà aux trois quarts déboisées ; et comme les moindres arbres, dans les forêts arctiques, ont mis, paraît-il, plusieurs siècles à pousser, il n’y a pas à compter sur la reconstitution prochaine de ces futaies qui s’en vont en fumée. Quand on sera obligé de faire venir le bois de loin, même le bois de chauffage, ce sera une complication de plus.