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Ô mer, ô folle mer, tu redeviendras douce,
Avant qu’il soit longtemps refleuriront tes yeux,
Tes yeux d’amour candide et que rien ne courrouce.

Après l’éclair tragique et l’assaut furieux,
Les voilà tout à coup pleins des choses qu’on aime ;
Ils vont se teindre encor de la couleur des cieux.

Et, tout émerveillés du sublime poème
Que murmure le flot au rayon matinal,
Jusque dans tes fureurs nous t’adorons quand même.

À côté de l’écueil a brillé le fanal,
Le vent frais qui se lève a balayé les brumes
Et ton charme demeure à jamais virginal.

Dormez sur l’eau tranquille, ô flottantes écumes,
Champs de la bleue immensité, fleurissez-vous,
Emportez nos ardeurs avec nos amertumes.

Une âme de fierté s’agite en vos remous,
Un chant d’espoir en sort, un chant qui nous enivre ;
L’âpre sel de la mer est infiniment doux.

Rien de vil, rien de laid. Oh ! comme il fait bon vivre !
Quelle candeur limpide a la nappe d’argent !
C’est un hiver tranquille, enguirlandé de givre.

Ô mer, reflète encor le grand ciel indulgent,
Fais toujours, gaie ou triste, ineffablement belle,
Une claire ceinture à l’univers changeant,

Trempe pour les combats le cœur qui se rebelle,
Rends-nous libres et fiers comme toi sans retour,
Ô divin réservoir de la vie éternelle,

Symbole trois fois saint de l’éternel amour !


Gabriel Vicaire.