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cherchons, nous, que des motifs de division. Ne trouvant pas dans le présent assez d’occasions de nous disputer, nous en cherchons dans le passé ; nous exploitons notre histoire contre nous-mêmes ; et nous mettons un point d’honneur étrange, non seulement à ne rien apprendre de l’expérience, mais à n’avoir rien oublié. Cependant, depuis 1685, beaucoup de choses ont changé au pays de France. M. Félix Faure peut être le successeur de Louis XIV : il n’en est pas l’héritier. Le ministre de la guerre ne s’appelle plus Louvois, puisqu’il s’appelle M. de Freycinet, et qu’il appartient, sauf erreur, à la « religion. » La situation de l’Église catholique n’a guère moins changé, puisque c’est contre elle que se poursuit, au nom de la tolérance et de la liberté, une persécution pacifique, systématique et hypocrite. Il est au moins curieux de constater que les « arrière-petits-fils des persécutés » tiennent tous ces changemens pour non avenus, qu’ils aient gardé, après deux siècles passés, la même âpreté de rancune, et qu’ils continuent de vivre dans la République en état de représailles.

M. Antoine joue avec son talent ordinaire et des procédés toujours les mêmes le rôle du curé philosophe. Mlle Mellot est une Judith Renaudin par trop dépourvue d’émotion. Mais deux interprètes surtout ont donné dans cette pièce la note et le ton. Ce sont des acteurs de mélodrame. C’est d’abord Mme Marie Laurent, qui joue deux rôles à elle toute seule, et tous deux de façon aussi vibrante. C’est ensuite M. de Max, qui a composé un type de vieux huguenot, vraiment impayable.


RENE DOUMIC.