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RICHELIEU ET MARIE DE MÉDICIS
Á BLOIS
(Mai-Juin 1617)

L’évêque de Luçon avait pour oncle un chevalier de Malte connu sous le nom de commandeur de la Porte. C’était un homme d’humeur bizarre, mais de grand sens et jugement. Il avait été chargé par sa sœur, Suzanne de la Porte, de diriger les premières études du futur cardinal et il le connaissait bien ; de bonne heure, il avait prédit son avenir. Cependant les grandeurs de sa famille ne l’éblouirent jamais et il garda toute sa vie, avec son neveu, des habitudes de sincérité et le langage d’une franchise parfois un peu rude.

Quand il avait appris à Malte, où il se trouvait en février 1617, la nouvelle de la nomination de l’évêque de Luçon à la secrétairerie d’État, il lui avait écrit une lettre de sa façon qui, en raison de la lenteur des communications, n’était parvenue à son adresse qu’au temps où, — la fortune ayant déjà tourné, — l’évêque était obligé de quitter le ministère et Paris précipitamment : « Je ne sais, disait l’oncle, si je dois me réjouir avec vous de la charge dont le Roi vous a honoré, vu le temps qui court. Je sais que Dieu vous a fait des grâces pour être capable des plus grandes choses. Mais ces temps turbulens et pleins d’infidélité, où la justice ne paraît que rarement, me les font juger indignes de vous. Car, adieu vos contentemens, adieu votre santé, adieu tout repos. Vous êtes embarqué dans cet océan de confusion, sans l’aiguille et sans biscuit, et, qui pis est, le ciel justement irrité contre nous. Quel courage, quelle force et quelle fortune il faut pour conduire son vaisseau et sa réputation parmi tant d’obstacles ! C’est le