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voudrait aborder et serrer de près les questions laissées en suspens, le conflit apparaîtrait et serait irréductible. On accuse le gouvernement des États-Unis d’avoir manqué de sincérité dans cette affaire : si on disait de générosité, ce serait plus juste. Certes, les États-Unis n’ont rien eu de ce sentiment. Ils se sont montrés impitoyables envers le vaincu. Ils ont repris et maintenu leurs prétentions premières sans en rien retrancher. Mais on ne peut pas les accuser de mauvaise foi. Si la rédaction de l’article 3 des préliminaires est ce qu’elle est, c’est qu’on a voulu qu’elle fût équivoque, et il avait été expressément convenu qu’elle ne préjugeait rien, ni contre l’Espagne, ni contre les États-Unis. Les prétentions respectives étaient restées telles quelles. L’Espagne avait assurément le droit d’espérer que les États-Unis rabattraient quelque chose des leurs, mais cette espérance était loin d’être une certitude, et elle ne saurait être invoquée aujourd’hui comme un engagement qui n’aurait pas été tenu. Sur la dette cubaine, on avait pris le parti de ne rien dire dans les préliminaires, et, sur les Philippines, celui de n’être pas très clair. L’Espagne n’avait rien de bon à attendre, ni de cette omission, ni de cette obscurité préméditées.

La difficulté principale a porté jusqu’à la fin sur la question des Philippines. Si l’on se reporte seulement au texte des préliminaires, la différence est incontestable entre, d’une part, les deux premiers articles par lesquels l’Espagne renonce à sa souveraineté sur Cuba et Porto-Rico et cède la seconde de ces îles aux États-Unis, et, d’autre part, l’article 3 qui se rapporte aux Philippines. Il n’y a plus dans l’article 3, en ce qui touche la souveraineté espagnole, ni renonciation, ni cession, et on en conclut que les Philippines ne devaient être traitées ni comme Cuba, ni comme Porto-Rico, c’est-à-dire qu’elles devaient continuer d’appartenir à l’Espagne, sauf à soumettre à certaines conditions l’exercice de son autorité. Cette conclusion parait logique et les États-Unis ne se sont pas interdit de s’y rallier ; mais ils ont pris soin d’introduire dans l’article des termes qui leur permettaient également de se ralliera une autre.

Il est y dit que le traité de paix définitif devra déterminer « le contrôle et le genre de gouvernement des Philippines. » Le texte est plus expressif en anglais qu’en français parce que le sens du mot contrôle n’est pas tout à fait le même dans les deux langues ; il a en anglais une portée plus grande. Dire qu’on déterminera le contrôle et le genre de gouvernement à établir aux Philippines est ouvrir la porte à toutes les interprétations. Que M. Mac Kinley ait voulu, le 12 août, leur laisser