la porte ouverte, cela paraît vraisemblable ; peut-être n’avait-il pas alors le parti pris bien arrêté d’y faire passer toutes ses prétentions actuelles ; il en gardait seulement la faculté, et c’est ce qui a pu entretenir les illusions de l’Espagne. Les hommes politiques américains sont très sensibles à toutes les fluctuations de l’opinion publique, et M. Mac Kinley n’échappe pas à cette règle. Avant tout, il est le chef de son parti. Si l’opinion s’était montrée médiocrement soucieuse du sort des Philippines, et surtout si elle avait incliné dans le sens de la conciliation, les commissaires américains auraient probablement reçu des instructions qui leur auraient permis d’être moins rigoureux. Malheureusement pour l’Espagne, il y a eu des élections en Amérique depuis le mois d’août, et même très agitées. La lutte des deux partis a été ardente ; la victoire ne s’est pas dessinée avec certitude dès le commencement de la campagne, et n’a d’ailleurs pas été bien considérable à la fin. Il était inévitable qu’on parlât beaucoup, dans la campagne électorale, de la guerre soutenue contre l’Espagne et du traité qui devait s’ensuivre, et il était inévitable aussi qu’on portât à leur maximum, dans les promesses prodiguées aux électeurs, les avantages déjà assurés par ce traité. C’est ce qui est arrivé. Deux politiques ont été en présence, l’une plus modérée et à notre avis plus sage ; l’autre qu’on peut qualifier de chauvine, et qui a été celle du parti républicain. Dès lors, le sort des Philippines était fixé. Les commissaires envoyés à Paris ont été chargés de demander à l’Espagne, ou plutôt d’exiger d’elle qu’elle renonçât à sa souveraineté sur ces îles, aussi bien que sur celles de Cuba et de Porto-Rico. On chercherait ensuite, et on trouverait sans doute plus facilement quel genre de gouvernement il convenait de leur donner, et comment on exercerait sur elles un contrôle qui ne serait pas autre chose qu’une prise de possession. Les commissaires espagnols ont fait tout ce qu’il était humainement possible de faire pour résister à de pareilles exigences. Les travaux de la commission ont été interrompus à plusieurs reprises, parce qu’on avait de part et d’autre des propositions à soumettre à son gouvernement et un complément d’instructions à lui demander. De toutes les propositions espagnoles, celle qui avait peut-être le moins de chances d’être accueillie a consisté à soumettre le litige à un arbitrage, et, en effet, elle a été repoussée. Dans les conflits graves et dont le dénouement offre un intérêt primordial, un gouvernement qui se dit sûr de son droit, et qui l’est de sa force, ne subordonne jamais sa cause à l’opinion d’un arbitre. Les commissaires espagnols, cet acte de procédure une fois terminé, se sont retrouvés en face des mêmes prétentions,
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