La littérature allemande vient de perdre, coup sur coup, deux de ses meilleurs romanciers, le Berlinois Théodore Fontane et le Suisse Conrad Ferdinand Meyer. Tous deux étaient d’ailleurs fort âgés, et Conrad Ferdinand Meyer avait même, depuis longtemps, renoncé à écrire. Mais Fontane, au contraire, qui avait débuté dans le roman à soixante ans passés, a continué d’écrire jusqu’au dernier jour ; et si le roman qu’il a publié la veille de sa mort, Der Stechlin, n’a peut-être pas la valeur littéraire de quelques-uns de ses ouvrages précédens, aucun de ses ouvrages n’est en revanche plus personnel, plus typique, mieux fait pour donner une idée de son talent et de sa manière. Le vieil écrivain s’y est mis tout entier ; il y a laissé libre cours à son humeur naturelle, affranchi enfin de ces préoccupations de genre ou d’école qui souvent l’avaient conduit à forcer, dans ses romans, la part de l’intrigue, ou à choisir des sujets d’un ordre trop spécial ; et ainsi Der Stechlin est, en quelque sorte, son testament, l’image fidèle de ses qualités comme de ses défauts. Tel du moins il m’apparaît, et c’est à ce point de vue que je vais essayer de l’analyser, me réservant d’étudier plus à loisir, une prochaine fois, la personne et l’œuvre de Conrad Ferdinand Meyer.
Der Stechlin est un roman de plus de cinq cents pages, aussi long que David Copperfield ou qu’Anna Karénine : mais son sujet pourrait se raconter en vingt lignes.
Un vieux gentilhomme prussien, Dubslav von Stechlin, reçoit un