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il parait devant nous ajoutent à sa physionomie un détail nouveau ; et ainsi on le regarde vivre sans songer un instant à le définir. Voici cependant quelques passages qui indiqueront tout au moins son allure extérieure ; et voici, d’abord, le cadre où l’auteur l’a placé :

« Au nord du comté de Ruppin, tout contre la frontière de Mecklembourg, s’étend, de la petite ville de Gransee jusqu’au-delà de Rheinsberg, une longue chaîne de petits lacs entourés de bois : pays pauvre et triste, à peine peuplé : un ou deux vieux villages, ça et là, quelques verreries, des maisons de gardes. Un de ces lacs s’appelle le Stechlin. Entre des bords plats il repose, garni tout à l’entour d’une ceinture de vieux hêtres dont les branches effleurent l’eau de leur pointe, s’affaissant sous leur propre poids. Des bouquets de joncs et de roseaux émergent, par endroits, à la surface du lac ; mais aucune barque n’y trace son sillon, aucun oiseau n’y chante. Seul parfois un vautour y reflète son vol. Tout y est calme, silencieux, endormi. Et cependant, de temps à autre, le lac endormi se réveille. Cela se produit toutes les fois que sur un point quelconque du globe, en Islande, ou à Java, le sol mugit et frémit, ou que les volcans des îles Hawaï lancent dans la mer une pluie de cendres. Alors le Stechlin s’émeut, et un mince filet d’eau jaillit, puis retombe. C’est ce que savent tous ceux qui habitent la région : et, quand ils en parlent, ils ne manquent pas d’ajouter : « Oui, le jet d’eau, c’est l’ordinaire, presque le banal : mais lorsque, là-bas, à l’autre bout du monde, se passe quelque chose de grand, comme il y a cent ans à Lisbonne, alors le Stechlin ne se contente pas de fumer et de s’agiter ; alors, au lieu du filet d’eau, on voit jaillir du lac un coq rouge, et de tout le pays on l’entend chanter ! »

« Tel est le Stechlin, le lac Stechlin. Mais le lac n’est pas seul à porter ce nom : c’est aussi le nom du bois qui l’entoure. Et Stechlin est aussi le nom du long et étroit village qui se dresse à l’extrémité méridionale du lac. Une centaine de maisons et de cabanes, formant une rue : et, brusquement, à l’endroit où commence l’allée des châtaigniers qui conduit au couvent de Wutz, la rue s’élargit et devient une place. C’est laque se trouvent tous les édifices publics de Stechlin : le presbytère, l’école, l’auberge, cette dernière doublée d’une épicerie. Dans un coin, au milieu du cimetière, s’élève la vieille église romane, et plus loin, sur la hauteur, au-delà d’un petit pont de planches, on aperçoit la maison seigneuriale, une grande bâtisse peinte en jaune, avec un toit élevé et deux paratonnerres. Et cette maison, elle aussi, s’appelle Stechlin, le château de Stechlin…

« Et de même que tout, à l’entour, portait le nom de Stechlin, de