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partent en rayonnant du château placé sur une colline, ses rues percées à angle droit, son parc tracé à la française, ses merveilles et ses souvenirs, ne présente un caractère parfait de symétrie et d’harmonie, d’un art complet et un dans toutes ses manifestations. Le siècle de Louis XIV, le plus éclairé qui fut jamais, se trouve représenté tout entier ici avec la physionomie des mœurs et des hommes, le tableau des idées et des arts. Pour préciser l’image vivante du grand siècle, il ne suffit pas de parcourir la ville royale ; il faut l’interroger directement, pénétrer dans son intimité. Alors, toutes ses pierres parlent à qui sait les entendre, les échos de ses salles résonnent encore des voix de Louis XIV, de Bossuet, Massillon, Villars, Turenne, Molière, Racine. Dans les glaces des galeries passent toujours, pour l’œil évocateur, les silhouettes des Marie-Thérèse, des La Vallière, Montespan, Maintenon, de la duchesse de Bourgogne, de Marie Leczinska, de la Pompadour, de la Dubarry, de la reine martyre. C’est Versailles qui donna le ton à la mode et à l’art et fixa pour longtemps le goût de l’Europe. C’est à Versailles que se donnèrent rendez-vous tous ceux qui sentaient en eux l’instinct du beau pour obéir tous à une unique discipline, qu’elle fût celle de Le Brun, de Mignard ou de Le Nôtre, chacun concourant, sans chercher la gloire personnelle, à une œuvre inattaquable au point de vue du goût. Rien n’était d’ailleurs livré au hasard par ceux qui commandaient ; mais tout était le résultat d’une admirable organisation, comme on peut s’en convaincre par la publication des Comptes des bâtimens du roi sous le règne de Louis XIV, faite par M. J. Guiffrey d’après les états du commis de Mansart, Marinier, et qui a mis fin à bien des légendes. A l’aide de ces chiffres, on peut constater que la dépense de Versailles (116 millions de livres, Marly étant compté pour 4, Clagny, bâti pour Mme de Montespan, pour 2, les machines de Marly pour 4, les travaux de l’Eure pour 8), est loin d’avoir atteint les chiffres fabuleux qui ont été donnés pour établir que le désastre de nos finances venait de là.

Pour décrire toutes ces merveilles, M. Philippe Gille a eu recours aux innombrables documens et ouvrages anciens sur la matière, aux estampes, dessins, plans, etc., des collaborateurs du grand roi, qui renferment de très curieux renseignemens, mais qui doivent être contrôlés par d’autres, tels, par exemple, que les tableaux des vues de Versailles, dont la collection est réunie dans plusieurs salles du rez-de-chaussée du château, et dans lesquels Van der Meulen, les Martin Cotelle, Allegrain nous montrent les constructions, le parc, les fontaines, les bosquets, les parterres d’eau tels qu’ils étaient et non pas,