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Ce qu’il aima dans la musique, ce qu’il tenta de surprendre en elle, ce n’est pas ce qu’elle contient de rationnel ou de métaphysique, mais ce qu’elle exprime de la passion, de l’humanité et de la vie. La musique est esprit et elle est âme. C’est l’âme surtout que chercha Mazzini. Il connut, il comprit la musique par l’amour encore plus que par l’intelligence, et ce mode de connaissance est peut-être, en matière de beauté, le plus sûr et le plus profond.

En bon révolutionnaire, Mazzini se devait à lui-même de médire de son temps et de lui chercher querelle. Il ne s’en est pas fait faute. Son devoir était aussi d’en appeler à l’avenir. Il n’y a pas manqué. On peut s’étonner davantage qu’il ait loué le passé. Il l’a loué pourtant. Il a parlé brièvement des anciens, mais avec respect, même avec amour. Il n’a pas sacrifié tout à fait le souvenir à l’espérance.

Ce passé qu’il admire, il semble l’avoir imparfaitement connu. Alors déjà, — comme aujourd’hui, — on ne possédait guère de la musique de l’antiquité que la doctrine, sans les œuvres. À cette doctrine du moins Mazzini rend hommage. Il regrette les siècles qui furent » grands non par la science, mais par des pressentimens sublimes ; » les siècles où la musique « se confondait avec la première pensée de la civilisation naissante ; où cet art nouveau-né, qui bégayait encore, était pour toute la Grèce la langue nationale, l’interprète sacré de l’histoire, de la philosophie, des lois et de l’éducation morale. » Dans un passé moins lointain, il semble que Mazzini n’ait pas regardé très avant. Il a mal parlé de Palestrina ; je veux dire qu’il l’a mal compris, car, s’il est vrai que Palestrina « traduisit le christianisme en musique, » on ne saurait soutenir qu’ « il créa par ses mélodies l’école italienne et lui donna le caractère qu’elle a conservé depuis. » Sur le XVIIe et le XVIIIe siècle, Mazzini garde le silence. Une ou deux fois seulement il parle avec admiration de Mozart. Enfin, parmi les morts qui, pour le temps où il écrivait, étaient des morts d’hier, et quels morts ! c’est à peine s’il nomme Beethoven et Weber : le second seulement pour s’attendrir sur cette fameuse Dernière Pensée, qui n’a que le double défaut d’être une pensée insignifiante et de ne pas être de Weber. Faut-il croire que Rossini jetait alors des feux trop éclatans ? Mais, tout à l’heure Mazzini nous dira lui-même que ses yeux n’en furent pas éblouis. N’importe, ses yeux n’ont pas vu Beethoven, et c’est dommage : ils étaient dignes de le regarder.