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donne le même nom. Il arrive très souvent au poète de se servir de vers iambiques ou trochaïques de sept ou de huit pieds (septenarii, octonarii) qui étaient très populaires à Rome. Ces vers, un peu plus longs que le senarius, lui ressemblent beaucoup en réalité ; ils sont de même nature que lui, employés aux mêmes usages, par exemple à la conversation ordinaire, et il est souvent difficile de voir pourquoi, au beau milieu d’un entretien, le poète passe du vers plus court aux vers plus longs, et le motif qui fait qu’un peu plus loin, il revient au vers plus court. Ces changemens n’avaient probablement pas d’autre raison que le caprice de l’auteur et le goût du public. Au fond, ce sont des vers que rien ne paraît distinguer entre eux, si ce n’est que les plus longs sont accompagnés par la flûte, c’est à dire qu’ils sont chantés. De quelle façon l’étaient-ils ? Nous l’ignorons ; mais on peut soupçonner, avec quelque vraisemblance, qu’ils l’étaient d’une manière très simple, et que l’accompagnement et le chant y devaient être aussi peu accusés que possible.

L’autre genre de cantica a plus d’importance, ou plutôt c’est le canticumvéritable, Ce qui le caractérise, c’est qu’il se compose de vers très variés, de mesure diverse, d’inégale étendue, et qui sont véritablement des vers lyriques. Tel est, pour n’en citer qu’un exemple, celui domine le mètre qu’on appelle crétique (une brève entre deux longues), et dont il me semble que l’oreille la moins exercée saisit du premier coup le rythme vif et sautillant. Dans la Casina, une femme se précipite sur la scène et exprime par ces mots son épouvante :


Nulla sum, nulla sum, tota, tota occidi.


Ailleurs, un jeune amoureux, très pressé de revoir celle qu’il aime, s’adresse à la porte de sa maîtresse, et lui demande de s’ouvrir pour le laisser entrer :


Pessuli, heus, pessuli, vos saluto lubens,
Vos amo, vos volo, vos peto atque obsecro.


Le crétique et d’autres pieds de même nature, en général vifs et alertes comme lui, forment, en se combinant ensemble, des vers qu’il ne nous est pas toujours facile de scander. Dans la manière dont ils se suivent ou se mêlent entre eux, on ne retrouve plus la strophe et l’antistrophe, qui se répondent si harmonieusement dans les chœurs de Sophocle et d’Aristophane. S’il y a une