était renseigné d’ailleurs ; il savait, par son envoyé à Turin, sir James Hudson, le confident et parfois l’inspirateur de M. de Cavour, à peu de choses près tout ce qui s’était passé à Plombières. En ne disant pas tout, Napoléon III avait aggravé les inquiétudes au lieu de les dissiper. Lord Malmesbury chargea lord Cowley de faire à l’Empereur d’énergiques remontrances.
« L’Empereur est abattu, disait lord Cowley, en rendant compte de son audience ; soit son entourage, soit quelque arrière-pensée l’empochent de ramener la confiance. Il suffirait qu’il déclarât solennellement qu’il ne veut pas la guerre, mais il ne le dit pas. »
Les correspondances reprirent de plus belle entre Windsor, Laeken et Cobourg. Le prince Albert et le duc Ernest s’indignaient lorsque l’Empereur, les trouvant sur son chemin, se plaignait de leur hostilité. — « Tu sais, écrivait le prince consort à son frère, qu’on nous reproche d’être des fauteurs de coalitions ; tu es troisième en rang, moi le second, et l’oncle Léopold le premier. » — Il n’avait pas lieu cependant de s’étonner qu’on les soupçonnât ; ils se mêlaient de tout ; partout on relevait des traces non équivoques d’une intervention remuante que ne justifiaient ni la situation du mari de la reine, ni la neutralité de la Belgique, ni le caractère minuscule du trône occupé par le duc de Cobourg. Sans cesse, dans le volume de Théodore Martin, dans les Mémoires du comte de Beust et ceux de M. de Vitzthum, on les voit dénoncer l’Empereur et, tandis que celui-ci se fie à leur amitié et à leur discrétion, répéter et interpréter avec malveillance ce qu’il leur a dit. — « J’ai conseillé à Berlin, écrit le duc de Cobourg, au commencement de février, que, si la guerre éclatait, on devait marcher sans tarder contre la France, à la tête de l’armée fédérale. On y a du reste le sentiment que la France veut commencer par l’Italie et finir par la Prusse. » — Le prince consort écrivait de son côté : — « Si vous voulez comprendre le discours de l’Empereur, lisez les Mémoires du prince Eugène. Napoléon donne à son fils adoptif des instructions pour la campagne d’Austerlitz au sujet du langage qu’il aura à tenir : « Parlez paix, lui dit-il, mais agissez en vue de la guerre. » — Quelques semaines plus tard, le prince poussait l’indiscrétion jusqu’à raconter au ministre d’une petite cour allemande, à M. de Vitzthum, des conversation intimes qu’il avait échangées avec Napoléon III. Il prétendait qu’à chaque rencontre, il lui avait parlé de la nécessité de réviser