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secret jusqu’au jour où la Cour de cassation aurait prononcé son arrêt.


Il y a six semaines environ, — c’était tout au commencement du mois dernier, — la nouvelle s’est répandue en Europe que l’Italie, à l’exemple d’un certain nombre d’autres grandes puissances, avait demandé à la Chine de lui céder à bail la baie de Sam-moun. Nous n’avons pas parlé tout de suite de l’incident, parce que nous pensions que le dénouement ne s’en ferait pas beaucoup attendre ; mais la demande de l’Italie a reçu un accueil assez inattendu, et il y a aujourd’hui une sorte d’arrêt dans l’affaire. La première phase en est terminée : c’est donc le moment d’en parler à nos lecteurs.

La prétention de l’Italie n’a rencontré aucune objection en Europe, et la plupart des puissances ont même déclaré la voir avec sympathie. La France est du nombre de ces dernières. Dans l’état actuel de nos rapports avec Rome, nous ne pouvons faire que de bons souhaits pour l’Italie, et, après quelques entreprises qui ne lui ont pas donné toutes les satisfactions qu’elle en espérait, nous serions heureux de lui voir obtenir quelque part un véritable succès. Le point qu’elle a choisi pour prendre pied en Chine est d’ailleurs trop éloigné de ceux où sont nos propres intérêts pour que, même en admettant dans l’état politique du Céleste Empire des transformations qui ne sont peut-être pas aussi prochaines qu’on les annonce, nous n’ayons pas à nous inquiéter des développemens ultérieurs de l’initiative italienne.

La baie de Sam-moun est située dans le Tché-kiang, au sud du Yang-tsé. L’Italie n’ignore pas que l’Angleterre s’est réservé comme zone d’influence tout le bassin du grand fleuve ; mais la province de Tché-kiang est à cheval sur les limites méridionales de ce bassin, et les deux tiers environ n’en font pas partie : ce sont ces deux tiers que l’Italie revendique. Elle aurait donc l’Angleterre pour voisine au nord ; elle aurait au sud le Japon. Le Fo-kien, en effet, est situé en face de Formose, et les Japonais, maîtres de l’île, se réservent, dit-on, cette province continentale pour le moment où la Chine serait partagée. Plus au sud, les Anglais sont à Hong-kong ; nous ne venons qu’ensuite ; et par conséquent les vœux que nous formons pour l’entreprise italienne sont dégagés de toute préoccupation personnelle. Inutile d’ajouter qu’en parlant de ces voisinages comme s’ils existaient déjà, nous anticipons sur l’avenir, et que les termes dont nous nous servons sont trop précis et trop concrets pour bien s’appliquer à la situation actuelle. Il n’en est pas moins vrai que la plupart des grandes