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Les jalousies des puissances les unes contre les autres allaient toujours en s’aggravant, mais il fallait une occasion pour amener un éclat : la mort de Malietoa a servi de prétexte. Aussitôt, l’ancien prétendant, Mataafa, est entré en campagne avec la protection de M. Rose, consul d’Allemagne : il n’en fallait pas plus pour déterminer l’Angleterre et les États-Unis, ou du moins leurs consuls, à prendre fait et cause pour Tanou, fils de Malietoa. Les États-Unis, cette fois, sont sortis de la réserve qu’ils avaient observée en 1888 et en 1889, et se sont rangés du côté de l’Angleterre : on a voulu voir là une manifestation de cette Union anglo-saxonne qu’a tant prônée M. Chamberlain, et qui commencerait à se réaliser. Le juge suprême actuel, M. Chambers, s’est trouvé être un Américain : il a proclamé Tanou roi, et la guerre civile a commencé immédiatement. La fortune des armes, qui avait été contraire à Mataafa, il y a dix ans, lui a été favorable aujourd’hui. Il s’est emparé du pouvoir de haute lutte, il a chassé Tanou, et celui-ci, avec ses principaux partisans, y compris M. Chambers, s’est réfugié à bord du Porpoise, croiseur anglais qui mouillait dans la rade d’Apia. M. Chambers ayant quitté la ville, le président de la municipalité, M. Raffel, qui se trouvait être un Allemand, ferma d’autorité la cour suprême. La lutte devait s’engager entre M. Chambers et M. Raffel ; ce résultat de la convention de 1889 était presque inévitable. M. Chambers n’abandonna pas la partie. Il persuada au capitaine du Porpoise de débarquer un détachement de ses hommes, avec lequel il reprit possession de la cour suprême, la rouvrit, lança du haut de son siège des quantités de jugemens ou d’arrêts, et, pendant plusieurs jours, il y eut entre les deux autorités de Samoa, M. Raffel d’un côté et M. Chambers de l’autre, une série d’intrigues, de procès, de coups de force dont les télégrammes n’ont permis jusqu’ici de reconnaître que le merveilleux enchevêtrement.

Pendant ce temps, Mataafa régnait, les Anglo-Américains n’ayant pas encore de forces suffisantes pour se débarrasser de lui. De guerre lasse, les consuls des trois puissances le reconnurent à titre provisoire, c’est-à-dire jusqu’au moment où leurs gouvernemens auraient pu se prononcer. C’était là une sorte de trêve : il aurait été désirable qu’elle fût respectée. Malheureusement elle ne l’a pas été. Au milieu de mars, un navire américain est arrivé dans les eaux d’Apia. Il était commandé par l’amiral Kautz, qui s’empressa d’appeler les consuls à son bord pour leur déclarer que Mataafa était déchu et Tanou rétabli. En même temps, il envoya à Mataafa une sommation d’avoir à se soumettre et à se rendre. Cette solution, comme on peut le croire, plut