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fautes graves, il serait rappelé : quant à M. Raffel, le président allemand de la municipalité d’Apia, il avait déjà quitté son poste. Le cabinet de Berlin prenait en même temps l’initiative d’une proposition qu’il jugeait appropriée aux difficultés pendantes, et qui l’était en effet puisqu’elle a été finalement adoptée : elle consistait à envoyer sur place une commission mixte avec mandat d’étudier l’état des choses, d’y pourvoir provisoirement, et de rechercher les solutions à y appliquer. On assure que, dans la pensée du gouvernement allemand, la meilleure de ces solutions consisterait à sortir de l’indivision qui a été si funeste et à partager l’archipel entre les trois puissances : lord Salisbury pencherait à l’accepter, tandis que M. Chamberlain s’y opposerait. Cette solution paraît assez sensée; peut-être n’a-t-elle pas été définitivement écartée ; les trois puissances n’avaient d’ailleurs à s’arrêter pour le moment à aucune, puisque les commissaires doivent avoir pleine liberté dans leurs travaux. Quoi qu’il en soit, la proposition allemande a été acceptée en principe par les États-Unis d’abord, et par l’Angleterre ensuite. Mais alors une difficulté nouvelle s’est présentée. L’Allemagne, conformément à la convention de 1889 qui interdisait à une des puissances de rien faire sans l’assentiment des deux autres, l’Allemagne demandait, elle exigeait même que la commission mixte ne pût prendre de résolution qu’à l’unanimité de ses membres. Cette condition était à ses yeux indispensable, et elle l’était effectivement, à la défense de ses intérêts : étant donné le rapprochement intime qui s’est produit entre l’Angleterre et les États-Unis aux îles Samoa, l’Allemagne aurait les plus grandes chances d’être toujours en minorité, ou plutôt isolée dans la commission, si la majorité suffisait à prendre des décisions valables. On comprend donc qu’elle ait exigé l’unanimité, qui est d’ailleurs de droit dans les réunions diplomatiques. Mais l’accord s’est établi très difficilement. L’Angleterre avait déjà nommé son commissaire, M. Charles Eliot, les États-Unis avaient nommé le leur, M. Bartlett Tripp, et l’Allemagne refusait obstinément de désigner le sien jusqu’à ce qu’elle eût obtenu satisfaction sur un point qui lui tenait si justement à cœur. Aussi, lorsqu’elle a choisi comme commissaire le baron de Sternberg, son premier secrétaire d’ambassade à Washington, on a compris que les deux autres puissances avaient cédé. L’Amérique l’a encore fait la première ; l’Angleterre a résisté plus longtemps, et on a pu craindre pendant quelques jours que le désaccord ne devînt presque irréductible.

Pendant que ces négociations se poursuivaient en Europe, la