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qu’il se glissât la nuit dans les jardins, ce qui, à son âge et avec son caractère, n’est guère à croire. Être hors de gamme n’était pas le compte de Maulevrier. Il n’entendait pas qu’on le mît de côté. Il prit alors un nouveau moyen, celui d’accabler la duchesse de Bourgogne de lettres qui contenaient sans doute plus de menaces que de protestations d’amour. Effarée et se souvenant du scandale dont autrefois il avait failli être cause, la duchesse de Bourgogne lui répondait en secret, envoyant ses lettres à Paris par l’intermédiaire de Mme Quentin et chargeant cette dernière de lui assurer qu’il pourrait toujours compter sur elle. Mais la rage de Maulevrier ne se calmait pas, et ce qui dut y ajouter singulièrement, c’est que sa femme, piquée de son attitude vis-à-vis de la duchesse de Bourgogne, se mit à faire des avances à Nangis, et Nangis, de son côté, à y répondre, pour que Maulevrier ne l’accusât pas de nouveau d’être heureux auprès de la princesse. La tête du malheureux n’était pas assez forte pour résister à tant de secousses, et la tuberculose, continuant ses ravages, lui monta au cerveau, ce qui explique bien des choses. Il donna bientôt des signes évidens d’aliénation mentale et se répandit en propos tellement extravagans qu’il fallut le tenir enfermé et le surveiller. Il disait des choses terribles, tantôt parlant de la duchesse de Bourgogne et de Nangis, qu’il voulait tuer ou faire assassiner, tantôt s’accusant d’avoir manqué à l’amitié que lui avait témoignée le duc de Bourgogne, tantôt manifestant des désirs de retraite et de pénitence. Enfin, un jour qu’on l’avait laissé seul, ainsi qu’on faisait souvent, pour que des valets ne pussent entendre ce qu’il disait, il ouvrit la fenêtre de la garde-robe de sa femme, et, se jetant dans la cour, s’écrasa la tête contre le pavé.

Ce fut un vendredi saint, le 6 avril 1706, que ce drame arriva. La duchesse de Bourgogne apprit la nouvelle à Ténèbres, devant toute la cour. En public elle fit bonne contenance. En particulier elle pleura beaucoup, et tout le monde remarqua que pendant plusieurs jours elle eut les yeux rouges. Mais il fallait ravoir les malheureuses lettres. La duchesse de Bourgogne, incontinent, s’en occupa dès le samedi saint ; elle envoya Mme Quentin voir Mme de Maulevrier, et, quelques jours après, dans le couvent où la veuve irritée s’était retirée, elle lui expédia encore quelques-unes de ses dames. Mme de Maulevrier les reçut fort mal, et il est probable qu’elle refusa de rendre les lettres, car à partir de cette mort elle demeura brouillée avec la duchesse de Bourgogne. Pendant