Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plusieurs jours, la duchesse de Bourgogne parut triste et préoccupée. On remarqua qu’elle avait avec Mme de Maintenon de fréquens entretiens dont elle sortait toujours en larmes. Le duc de Bourgogne lui-même s’inquiéta. « Peu s’en fallut qu’il n’aperçût plus qu’il n’en étoit besoin; mais l’amour est crédule. Il prit aisément aux raisons qui lui en furent données. Les romancines s’épuisèrent ou au moins se ralentirent ; la princesse comprit la nécessité de se montrer plus gaie. »

Cet effort de gaieté dut lui être d’autant plus pénible que la fin tragique de Maulevrier eut une autre conséquence. Torcy était l’ami particulier de Polignac. Un peu effrayé du personnage que celui-ci jouait depuis quelque temps, il l’avait fait nommer auditeur de Rote. L’abbé avait pris cette nomination comme un exil et ne se pressait point de partir pour Rome. La crainte d’être lui-même compromis et les instances de Torcy le déterminèrent. Il prolongea cependant jusqu’au mois d’octobre. Quand il vint prendre congé de la duchesse de Bourgogne, on remarqua encore qu’elle « lui souhaita un heureux voyage d’une tout autre façon qu’elle n’avoit accoutumée de congédier ceux qui prenoient congé d’elle. » « Peu de gens, ajoute Saint-Simon, eurent foi à une migraine qui la tint tout ce même jour sur un lit de repos chez Mme de Maintenon les fenêtres fermées, et qui ne finit que par beaucoup de larmes Saint Simon, édition Boislisle, t. XIII, passim, et p. 332. </ref>. »

Ainsi, pour la seconde fois en trois mois, se terminait par beaucoup de larmes cette série de manèges imprudens, et dans une certaine mesure coupables, auxquels la charmante princesse avait eu le tort de se laisser entraîner pendant trois ans. Tout était bien fini, car Nangis, de son côté, était retourné à l’armée où il ne cessa de bien faire, et nous n’entendrons plus parler de lui. En historien consciencieux, nous n’avons rien dissimulé de ce qui était à la charge de la duchesse de Bourgogne. Aussi, après avoir écouté Saint-Simon, tenons-nous à terminer en rapportant ce témoignage d’une femme qu’on n’accusera certainement pas de naïveté et qui, à la Cour, avait vu assez de vilaines choses pour ne conserver guère d’illusions. Après avoir parlé du goût que la duchesse de Bourgogne, d’après la rumeur publique, aurait eu pour Nangis, Mme de Caylus ajoute : « J’avoue que je le crois, comme le public; la seule chose dont je doute, c’est que cette affaire soit allée aussi loin qu’on le croit, et je suis convaincue que