À la suite d’une séance violente et bruyante de la Chambre des députés, M. de Freycinet a donné sa démission de ministre de la Guerre. On ne compte plus les ministres de la Guerre qui se sont démis de leurs fonctions depuis quelques mois : il faut en conclure qu’elles sont devenues exceptionnellement lourdes et difficiles. Mais la démission de M. de Freycinet ne peut pas être assimilée aux précédentes : les causes en sont plus complexes. Par son intelligence, son habileté, sa souplesse, toutes qualités qu’il doit à la nature, et aussi par l’autorité qu’il tient de son passé, M. de Freycinet paraissait particulièrement apte à dénouer la crise actuelle. Il fallait au ministère de la Guerre un homme qui connût l’armée et qui en fût connu, et en même temps un homme qui eût longtemps pratiqué le parlement et qui en eût l’expérience et le doigté. Ces hommes-là ne sont pas très nombreux. Aussi lorsque le ministère Dupuy s’est formé, on n’a pas eu l’embarras du choix ; les circonstances désignaient M. de Freycinet, ou plutôt l’imposaient. M. de Freycinet n’avait certainement aucune impatience de revenir au pouvoir, car il ne pouvait pas se méprendre sur les difficultés qui l’y attendaient, mais tout le monde lui faisait un devoir d’en accepter le fardeau. C’était, en effet, un devoir pour lui : on n’aurait pas admis qu’il s’y dérobât. Depuis lors, il a rempli sa tâche avec autant d’activité utile que de prudence et de discrétion. Il s’est appliqué à ne pas faire parler de lui, et à parler lui-même le moins possible ; mais, dans les rares occasions où il a pris la parole, il l’a fait avec une compétence et un succès que nul n’a contestés. La discussion du budget de la Guerre à la Chambre des députés l’a appelé à plusieurs reprises à la tribune : son intervention y a toujours été brève et efficace. La Chambre actuelle ne le connaissait pas : elle n’en a été que plus frappée de ce qu’il y a d’original dans un talent qui ressemble bien peu à ceux d’aujourd’hui, puisqu’il est fait de précision, de mesure et de délicatesse. Les discours qu’il a prononcés ont été univer-