prussienne de conduire les contingens fédéraux sans s’astreindre aux règles consacrées (6 juillet), et il accepta l’entrevue que l’Empereur lui proposait, à Villafranca, pour traiter de la paix.
L’Empereur tenait Victor-Emmanuel au courant de ses démarches ; ni l’un ni l’autre n’en instruisaient Cavour. Il apprit l’armistice par une dépêche télégraphiée. Du reste, depuis le commencement de la guerre, on l’avait comme mis à l’écart, on ne le consultait pas sur les décisions stratégiques, même quand elles touchaient à la politique ; on ne l’informait pas des mouvemens arrêtés, on se contentait de lui envoyer de rares bulletins. Il adressa des remontrances amères au major-général, qui n’en tint aucun compte. Il était exaspéré : « On me prend donc pour un simple commis dont on se défie !… » S’il n’avait pas jugé coupable de se retirer au milieu d’une guerre, il eût donné sa démission. L’annonce des négociations pacifiques tourna son exaspération au délire. Il accourt au quartier général, à Monzambano (10 juillet). Que dit-il ? On sait seulement qu’il s’emporta à de telles irrévérences que Victor-Emmanuel, ne se contenant plus, se leva, lui tourna le dos et sortit.
Cavour se rabattit sur Della Rocca, et il reprenait de plus fort ses jérémiades quand survient le prince Napoléon. Alors il entre en fureur : « Toute paix qui ne comprendrait pas la Vénétie serait une trahison ! » Le Prince n’était pas de ceux qu’on interloque ; il répond sur le même ton : « Ah çà ! de quoi vous plaignez-vous ? En attendant l’avenir, vous avez la Lombardie et les Duchés, n’est-ce pas un joli morceau ? Est-ce que, par hasard, vous voudriez que, pour vous, nous perdions la France et notre dynastie ? — Quand on a pris un engagement, on le tient, répète Cavour, et, de plus en plus animé, il menace de se mettre à la tête d’une révolution et de soulever l’Italie. — Il aurait fallu la soulever plus tôt, » riposte le Prince. Et il lance les traits les plus acérés contre l’inertie des Italiens ; il ne tarit pas sur les Toscans, il en parle avec une véritable rage de mépris : ce n’étaient plus les hommes de la Florence antique ; c’étaient des abâtardis, indignes de la liberté. — C’est cela, fit Cavour, quand on veut tuer son chien, on dit qu’il est enragé. » Cavour eût voulu répéter à l’Empereur ces extravagances. Celui-ci lui fît répondre que, dans les conditions actuelles, une conversation serait sans utilité, et qu’il le verrait volontiers à Milan à la condition qu’on ne reviendrait plus sur le passé.