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serait pas. Je ne puis faire ces propositions qu’autant que je sois certain qu’elles seront admises. — Je donne ma parole à Votre Majesté que demain elle recevra ce même papier avec ou sans la signature de l’Empereur, de façon que, si ces préliminaires de paix ne sont pas signés, il ne restera pas preuve matérielle de vos concessions. » Là-dessus, visiblement ému, François-Joseph signa, ajoutant : « Je souhaite, Prince, que vous ne soyez jamais dans la nécessité de céder votre plus belle province. »

En attendant la voiture, on causa. L’Empereur demanda des nouvelles de l’Impératrice, de la princesse Clotilde, se plaignit de ses confédérés. « Ils seront bien étonnés à Berlin, dit-il en souriant ; je n’en suis pas fâché ; j’aime mieux céder à l’Empereur qu’à un congrès ; si nous pouvons nous entendre pour les affaires d’Italie, il n’y aura plus de raisons de discorde entre nous. — C’est vrai, mais pour cela, il faudrait peut-être régler la question italienne autrement que ne veut le faire Votre Majesté. — Croyez que j’ai fait tout ce que je pouvais. »

François-Joseph accompagna le Prince jusqu’au haut de l’escalier avec des paroles polies : « Au revoir. J’espère que ce ne sera pas en ennemis et que l’Empereur Napoléon m’enverra une réponse favorable. » Il donna la main au Prince et le Prince partit. Une foule d’officiers encombrait la cour, entre autres les généraux Schlick et Hess. Leur aspect était fort triste, et ils avaient l’air profondément humiliés et mécontens. Dans les rues de Vérone, grande foule aussi ; plusieurs habitans s’approchèrent du Prince en criant : « Vive la France ! »

Quelques minutes après dix heures, le Prince arrivait au quartier général de Valeggio. L’Empereur lut, approuva, et embrassa le négociateur, en le remerciant chaleureusement. Aucun diplomate ne se fût montré, dans cette difficile circonstance, aussi ferme, aussi souple, aussi imposant, aussi expéditif.


VI

Le Prince alla aussitôt rendre compte à son beau-père, avec lequel il demeura jusqu’à deux heures du matin. Victor-Emmanuel, résigné à la paix sans la Vénétie, fut navré qu’on ne lui laissât ni Mantoue ni Peschiera. Cependant le Prince obtint qu’il signerait les préliminaires.

Cavour fut moins compréhensif. À sept heures du matin, il