de fusils, de canons, de navires cuirassés, ni de torpilleurs. S’il n’existe plus comme puissance purement matérielle, comme puissance morale il n’a peut-être jamais eu plus d’autorité que depuis qu’il est un souverain dépossédé, mais non pas cependant un souverain détrôné. Il semblait que le vieillard du Vatican dût être écouté avec profit, sans que sa présence à la Haye portât ombrage à personne. L’Italie n’a pas partagé cette opinion ; elle s’y est formellement opposée, et il a fallu choisir entre son propre représentant et celui du Saint-Siège. Nous n’avons pas à apprécier les motifs qui l’ont déterminée à se montrer aussi exclusive, et, bien que nous ne les ayons pas très bien compris, nous voulons les croire sérieux. L’unité de l’Italie est faite aujourd’hui ; il ne peut entrer dans l’esprit de personne d’y porter atteinte ; et, en tout cas, aucune des questions qui se rattachent au statut politique de l’Europe ne relève de la Conférence. Elles ont été exclues très sagement de son programme. On ne voit donc pas quels inconvéniens aurait eus la participation à la Conférence d’un représentant du Saint-Père, tandis qu’elle aurait présenté de réels avantages. Il semble que Léon XIII ait ressenti quelque douleur de l’oubli volontaire dont il a été l’objet, car il a donné l’ordre à son internonce de quitter provisoirement la Hollande et de se rendre à Luxembourg. Ces réserves faites, il faut reconnaître que, soit par le nombre des personnes qui en font partie, soit par la distinction de beaucoup d’entre elles, l’aréopage européen qui vient de se réunir a fort bon air. On n’avait pas vu depuis de longues années tant de diplomates rassemblés. La Haye a pris une animation tout à fait inaccoutumée. Le gouvernement néerlandais a reçu ses hôtes avec empressement et bonne grâce. Il n’a rien négligé pour faciliter leurs travaux. Il a fait préparer pour les recevoir et il a mis à leur disposition le Palais du Bois, situé en dehors de la ville, au milieu d’un parc dont le printemps fait, au mois où nous sommes, le plus agréable séjour. C’est là, au milieu de la verdure et du silence, que les représentans de l’Europe et du monde pourront discuter dans un calme parfait les questions qui se rattachent à la paix et à la guerre, et qu’ils arriveront, il n’en faut pas douter, à en résoudre quelques-unes. La présidence, comme il était naturel, a été d’abord attribuée à M. de Beaufort, ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas ; mais il s’en est immédiatement démis pour céder la place à M. de Staal. N’était-ce pas, en effet, au représentant de l’empereur Nicolas qu’il appartenait de présider une conférence dont son souverain avait pris l’initiative avec une si généreuse spontanéité ?
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